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III

Résumons les résultats essentiels des pages qui précèdent. Ils se réduisent aux quelques points suivants :

1o  La certitude morale étant justifiée par l’analyse des conditions de la connaissance elle-même, elle est acceptée non par un acte de foi aveugle, mais, comme voulait Pascal, justifiée en raison.

2o  Dès lors, au lieu d’aboutir avec l’ancienne métaphysique à une notion, à une chose éternelle, ou à une vie qui se développe par des modes, je m’élève à la conscience de ma raison libre. Et à cette raison libre les choses apparaissent dans une certaine hiérarchie seule conciliable avec la position même de cette conscience morale. L’expérience me révèle d’ailleurs l’existence d’autres êtres qu’à certains signes je juge capables de s’élever à la même conception que moi, et de la réaliser avec moi.

3o  Puisque par l’analyse des conditions mêmes de la connaissance, je suis conduit à la constatation de ma conscience intellectuelle, au lieu de cette notion ou de cette vie transcendante que les métaphysiciens admettent, il serait contradictoire de tenter une réponse aux questions autrefois posées sur la première vérité, telles que celles-ci : Sommes-nous les modes de la Pensée éternelle, ou sommes-nous distincts de cette pensée ? Admettez-vous le panthéisme ou le déisme ? Toutes questions contradictoires à la certitude première, et qui supposeraient que j’ai atteint un être premier (supposition contradictoire) et non ma conscience intellectuelle comme première. L’ancienne métaphysique rattachait les êtres à Dieu par voie de déduction géométrique (Spinoza), ou d’organisation (Leibniz), ou encore admettait entre eux des relations analogues à celles des consciences que nous connaissons (Leibniz). La conception que nous exprimons supprime ou, à vrai dire, ignore ces questions. Je ne connais en fait d’êtres distincts que ceux que me révèle l’expérience. Parmi ces êtres il en est auxquels, toutes les fois qu’ils pensent, les choses et les êtres doivent apparaître dans l’ordre que nous avons dit. Indépendamment de ces êtres je connais les lois qui les lient et qui, elles aussi, à l’être raisonnable apparaissent hiérarchisées comme nous l’avons vu. Je ne connais la vérité première ni comme un être analogue à moi, ni comme une notion ou une loi objective, mais comme ma conscience intel-