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de lumière, de chaleur, de fumure, pourront changer la grandeur et la couleur, sinon l’espèce de la plante, ce qui confère aux conditions extérieures un rôle plus actif que Hégel n’en accorde à la matière de l’intuition. Mais la plante est un être organique, et c’est là ce qui fonde la vérité de la comparaison. Nous sommes capables, dans la vie organique, de distinguer entre la cause et les conditions nécessaires de la croissance, d’une manière qui serait impossible, s’il s’agissait d’un phénomène gouverné seulement par des lois mécaniques. Dans le dernier cas, nous pouvons dire seulement que la cause est la somme de toutes les conditions nécessaires, et nous sommes incapables de considérer une de ces conditions comme plus fondamentale que les autres. Mais, avec l’idée de vie organique, c’est l’idée de cause finale qui s’introduit, et nous sommes ainsi mis en état de distinguer entre la cause positive et les conditions qui sont nécessaires sans être actives. Hégel, en déclarant que la croissance de la notion doit être jugée d’après les principes qui servent à juger la croissance organique, nous permet d’opérer cette distinction sans laquelle nous ne saurions comprendre la place subordonnée qu’occupent les données des sens dans le procès dialectique.

D’où provient donc l’illusion qui prête à la dialectique hégélienne la prétention de se passer entièrement de l’expérience ? C’est que l’on peut assigner à la dialectique un double fondement ; et, selon que l’on choisit l’un ou l’autre, la dialectique prend deux aspects très différents. D’une part, en effet, la pensée nous est donnée comme un fait : nous ne pouvons connaître la nature de la pensée, si d’abord la pensée n’existe. À ce point de vue, le procès dialectique apparaît comme l’observation d’une donnée de fait, d’une matière ; — la réflexion philosophique, toute passive, ne peut que « permettre à l’idée de suivre son cours », et « n’est pour ainsi dire, que le spectateur de son mouvement et de son développement ». C’est, comme le déclare Hégel sans équivoque, que « nous prenons pour point de départ la sensation ou la perception », ou encore : l’être immédiat. — Mais, d’autre part, le procès dialectique ne consiste pas simplement dans le choix empirique d’un caractère, puis d’un autre, et ainsi de suite, dans le tout concret. Une fois le jugement premier et le plus simple porté sur l’expérience, — le jugement impliqué dans l’application de la catégorie de l’être — les difl’érenls degrés du procès dialectique sortiront de ce premier jugement par une nécessité interne.