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serait encore de même avec une loi d’attraction quelconque. Ce n’est donc pas là un fait particulier à l’astronomie, et la réversibilité est une conséquence nécessaire de toute hypothèse mécaniste.

L’expérience met au contraire en évidence une foule de phénomènes irréversibles. Par exemple si l’on met en présence un corps chaud et un corps froid, le premier cédera de la chaleur au second, le phénomène inverse ne se produira jamais. Et non seulement le corps froid ne restituera pas à l’autre la chaleur qu’il lui a prise lorsqu’ils agiront directement l’un sur l’autre ; mais quel que soit l’artifice qu’on emploie, les corps étrangers qu’on puisse faire intervenir, cette restitution restera impossible à moins que le gain ainsi réalisé ne soit compensé par une perte au moins équivalente. En d’autres termes si un système de corps peut passer de l’état A à l’état B par un certain chemin, il ne pourra pas revenir de l’état B à l’état A ni par le même chemin, ni par un chemin différent. C’est ce qu’on peut exprimer en disant que non seulement il n’y a pas réversibilité directe, mais qu’il n’y a pas même réversibilité indirecte.

On a cherché de plusieurs manières à échapper à cette contradiction ; d’abord par l’hypothèse des « mouvements cachés » de Helmholtz. On connaît l’expérience faite par Foucaut au Panthéon à l’aide d’un très long pendule. Cet appareil semble tourner lentement, mettant ainsi en évidence la rotation terrestre. Un observateur qui ignorerait le mouvement de la terre, ne manquerait pas de conclure que les phénomènes mécaniques sont irréversibles. Le pendule tourne toujours dans le même sens et on n’a aucun moyen de le faire tourner en sens inverse ; il faudrait pour cela changer le sens de la rotation du globe. Un pareil changement est bien entendu irréalisable ; mais pour nous il est concevable ; il ne le serait pas pour un homme qui croirait notre planète immobile.

Eh bien, ne peut-on imaginer qu’il existe dans le monde moléculaire des mouvements analogues, qui sont cachés pour nous, sur lesquels nous n’avons aucune prise et dont nous ne pouvons changer le sens ?

Cette explication est séduisante, mais elle est insuffisante ; elle fait voir pourquoi il n’y a pas de réversibilité directe ; mais on démontre qu’il devrait y avoir quand même réversibilité indirecte.

Les Anglais ont proposé une hypothèse toute différente. Pour la faire comprendre, je me servirai encore d’une comparaison : si l’on a un hectolitre de blé et un grain d’orge, il sera facile de cacher ce