DIALOGUE PHILOSOPHIQUE
ENTRE EUDOXE ET ARISTE
eudoxe. — Puisque je vous vois, mon cher Ariste, si fort irrité contre les faiseurs de systèmes, vous plaît-il qu’oubliant en quel temps nous vivons, nous examinions non pas les opinions des autres, mais les choses mêmes, afin de mieux connaître quelles elles sont ?
ariste. — Je le veux bien.
eudoxe. — Ne vous semble-t-il pas que vous percevez deux objets comme distants l’un de l’autre ?
ariste. — Oui.
eudoxe. — Et que vous percevez la distance même qui les sépare ?
ariste. — Sans doute.
eudoxe. — Pour percevoir cette distance vous devez mouvoir vos yeux ?
ariste. — Si la distance est grande, oui sans doute, Eudoxe.
eudoxe. — Il existe donc une distance assez petite pour que vous puissiez la percevoir sans mouvoir vos yeux ?
ariste. — Il me semble qu’oui.
eudoxe. — Considérez donc deux points assez écartés l’un de l’autre pour que vous ne puissiez point les percevoir en même temps ; comment percevez-vous la distance qui les sépare ?
ariste. — En promenant mon regard de l’un à l’autre.
eudoxe. — Fort bien. Je rapproche maintenant ces deux points l’un de l’autre insensiblement. Il arrivera, n’est-ce pas, un moment où vos yeux pourront percevoir la distance qui sépare ces deux points, tout en restant immobiles ?
ariste. — Assurément.