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deux parties : la première négative, la seconde positive ; la première dans laquelle il s’efforcera de nier un grand nombre des similitudes de succession que l’école évolutionniste a remarquées dans le développement du droit ; la seconde, dans laquelle il tentera d’expliquer, par l’imitation et par la logique sociale, celles de ces similitudes qu’il reconnaît pour vraies. Suivons-le, dans ses réfutations et dans ses démonstrations, à travers le droit criminel (chap. i), les théories relatives à la procédure (chap. ii), au régime des personnes (chap. iii, au régime des biens (chap. iv), aux obligations (chap. v), et au droit naturel (chap. vi).

En droit pénal (chap. i), dit-il, les évolutionnistes admettent l’universalité primitive du talion et de la vengeance familiale, suivis de la composition pécuniaire et plus tard de la poursuite d’office. — Mais c’est là ne tenir compte que des relations extérieures des groupes sociaux primitifs les uns avec les autres, non des relations internes entre les divers membres du groupe ; or, si nous tenons compte de celles-ci, il nous faudra distinguer dès le début deux sortes de réaction défensive contre le crime ; l’une vindicative et haineuse quand il s’agit du membre d’un groupe différent, l’autre morale et compatissante, lorsqu’il s’agit d’un membre du même groupe ; c’est de celle-ci que dérive principalement le droit pénal. Ces deux modèles dissemblables se combinent d’ailleurs en proportions infiniment diverses, à mesure que les tribunaux de l’État se substituent à la fois aux assises de la famille et aux guerres privées, et suivant que les groupes sociaux, par la réunion desquels l’État se constitue, sont plus ou moins amis ou ennemis les uns des autres. Il résulte de là d’abord que la vengeance familiale n’a pas été primitivement la forme unique du droit pénal ; ensuite que l’évolution de ce droit n’a pas été uniforme.

En procédure criminelle (chap. ii), les évolutionnistes admettent l’universalité primitive des ordalies, des jugements de Dieu, sous des formes presque partout exactement semblables. — Mais voit-on que le point de départ de l’évolution soit toujours le même ? Chez les sauvages, le pouvoir judiciaire est exercé tantôt par l’assemblée du village entier, tantôt par un chef, ou bien il se divise entre le chef et l’assemblée. Presque toutes les tribus seulement, et non toutes, pratiquent certaines ordalies, d’ailleurs très différentes les unes des autres ; et beaucoup ne connaissent pas le duel judiciaire. — Grandes différences également dans les phases successives de l’évolution, et dans le point d’arrivée vers lequel elle tendrait : l’histoire ne nous montre pas que chaque droit, livré à lui-même, aboutisse spontanément à une procédure analogue.

Faut-il admettre, en droit civil, comme régime des personnes (chap. iii), l’universalité primitive de la promiscuité, puis celle du matriarcat, et enfin celle du patriarcat ? — Mais rien ne prouve que la constitution de la famille primitive ait été partout la même, et rarement on trouve d’accord sur cette question Morgan et Mac Lennan, Bachofen et Starcke, H. Spencer et Sumner Maine. Rien ne prouve même que la promiscuité et le matriarcat aient jamais été très répandus ; les preuves directes qu’on donne de leur existence, communisme des Naïrs, matriarcat des Kocchs, nous mettent en présence de sociétés très restreintes, et d’un état qui, loin d’être primitif,