Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/517

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LES TRANSFORMATIONS DU DROIT

PAR G. TARDE



I

Quel est, dans ce nouvel ouvrage, aussi riche que ses aînés en aperçus nouveaux, en rapprochements inattendus d’idées, le but de M. Tarde ?

C’est, en premier lieu, de faire une science de la société, non de faire une histoire des sociétés. Cela signifie d’abord qu’il ne se propose pas d’étudier à la fois les ressemblances et les divergences des systèmes de droit qui ont simultanément ou successivement régi les hommes, mais seulement d’en étudier les similitudes. Et cela signifie ensuite qu’il ne se propose pas de déterminer les phases successives que l’évolution du droit a parcourues, et de chercher des lois de succession, mais seulement de chercher des lois de causation, applicables à toutes les évolutions sociales, à toutes les sociétés, passées, présentes ou possibles, comme les lois de la physiologie s’appliquent à toutes les espèces vivantes, et les lois de la mécanique à toutes les évolutions célestes.

S’il distingue la sociologie de l’histoire, avec laquelle on l’a longtemps confondue, et s’il ne veut pas faire une histoire du droit ou une philosophie du droite mais une science du droit, il ne distingue pas moins la sociologie des sciences biologiques, avec lesquelles on tend à la confondre aujourd’hui, et il ne veut pas seulement faire une sociologie générale, mais une sociologie pure. Les similitudes sociales, d’après lui, ont deux sortes de causes, les unes physiques et physiologiques, les autres sociales. C’est des dernières seulement qu’il s’occupe.

En distinguant la sociologie de l’histoire, M. Tarde se trouve amené à combattre l’école qui prétend déterminer les phases successives par où le droit aurait nécessairement passé. En distinguant la sociologie de la biologie, il se trouve amené à combattre l’école qui prétend expliquer la société par la vie et réformer le droit au nom de l’anatomie ou de la psycho-physiologie. Et comme il donne à la fois le nom d’évolutionnistes aux partisans des théories historiques, comme Sumner Maine ou M. Dareste, et aux partisans des théories naturalistes, comme M. Letourneau et M. d’Aguanno, son premier objet sera de combattre l’école évolutionniste qui fait passer