Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une fois les deux degrés de la conscience intellectuelle ainsi établis, reste à montrer plus nettement le passage de l’un à l’autre, et leurs relations respectives.

Et d’abord, s’il n’y a pas, comme on l’a dit sous une autre forme[1], de passage logiquement nécessaire de la conscience logique à la conscience morale, si, en d’autres termes, la conscience morale est en un sens autre chose que la conscience logique, celle-ci d’autre part ne réalisant pas les conditions que la raison impose à la certitude première, la conscience morale est justifiée en droit, et le passage de la conscience logique à la conscience morale est non logiquement nécessaire, mais absolument rationnel, naturel, comme dirait Leibniz.

Mais est-il bien vrai que telle soit la hiérarchie de ces deux consciences, ou plutôt la relation de ces deux moments de la conscience intellectuelle ? La nécessité logique ne s’impose-t-elle pas à la conscience morale même ? N’est-elle pas nécessairement affirmée comme antérieure au choix libre ? Car enfin je puis bien penser ou ne pas penser, être ou non raisonnable, mais que cela soit possible, c’est ce qui est vrai ou faux de toute nécessité ; de sorte que je pose inévitablement comme irréductible et invincible au doute la certitude logique ; celle-ci est donc première et non la certitude morale.

Même il semble, peut-on dire, que cette nécessité logique soit, en conséquence de son absolue priorité, comme objectivée par moi ; et en quelque sorte indépendante de ma conscience intellectuelle. Car je puis supposer ma conscience intellectuelle supprimée, mais non qu’en dehors de cette conscience les choses ne soient pas possibles ; de sorte que hors même de ma conscience intellectuelle je suis contraint d’admettre la vérité idéale, ce que M. Lachelier appelle l’idée d’être, au lieu que je puis fort bien supposer que je suis ou non raisonnable.

Ainsi, la conscience logique semble conditionner la conscience morale, et même seule, elle semble douée d’une véritable objectivité, à tel point que ce que nous avons dit de l’assimilation de l’idée du vrai à ma conscience intellectuelle semblerait, en vertu de ce raisonnement, presque douteux.

Considérons d’abord cette conséquence extrême de l’antériorité de la conscience logique sur la conscience morale. Remarquons que

  1. M. Lachelier.