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élargi en tous sens pour le défendre mieux, on enfermerait toutes les autres méthodes dans une étroite définition, pour les mieux combattre.

M. Mélinand nous semble injuste pour les cours : il les considère comme généralement inefficaces. « Que penserait-on, dit-il, d’un professeur de gymnastique qui se contenterait d’exécuter devant les élèves rassemblés les exercices les plus brillants ? » Que penserait-on, répondrons-nous, d’un professeur de gymnastique qui voudrait faire exécuter à ses élèves des mouvements qu’il n’aurait pas d’abord exécutés lui-même devant eux ? Il n’y a d’ailleurs là qu’une comparaison, et une comparaison moins juste qu’on ne pourrait le croire.

N’insistons donc pas ; le grand argument de M. Mélinand c’est que le cours passe constamment au-dessus ou à côté de l’esprit des auditeurs. Est-ce bien vrai ? peut-être, si l’on veut parler d’un cours arrêté d’avance, immuable dans la forme comme dans le fond. Mais un cours semblable ne serait qu’un manuel parlé, et aurait tous les inconvénients d’un manuel. Ne sait-on pas qu’un cours doit être perpétuellement remanié, jamais définitivement fixé, surtout dans la forme ? Une leçon doit toujours pouvoir être modifiée au moment même où on la fait, et suivant l’impression produite. Le professeur qui enseigne ne doit pas être un automate sans yeux et sans oreilles. S’il veut regarder, et s’il sait écouter, il lira les impressions des élèves sur leur physionomie, dans leur attitude même, dans leur manière d’écrire ; et il arrivera par l’expérience à reconnaître avec une sûreté suffisante non seulement la limite dans le difficile qu’il ne peut pas franchir, mais les points sur lesquels il faut qu’il insiste, les idées qu’il doit reprendre, et présenter sous une forme nouvelle, pour arriver enfin à les faire saisir à tous, celles enfin qu’une simple énonciation a fait pénétrer déjà dans l’esprit de chacun. C’est là son art à lui ; art très complexe assurément ; et dans lequel la perfection ne s’atteint guère : l’art de penser devant les autres et pour les autres, en suivant les effets de sa pensée sur l’auditoire pour la régler en conséquence. Et fallût-il sacrifier souvent à ce résultat quelque chose de la précision des détails, l’exemple vivant d’une pensée qui se fait serait une ample compensation à bien des sacrifices.

Mais, objecte M. Mélinand, si le cours est bien fait, l’élève subjugué par une pensée infiniment plus forte et plus sûre que ne serait la sienne, ne pourra pas, n’osera pas, même dans son for intérieur, se prononcer contre elle ; et si le cours existe, ils devient forcément envahissant ; il absorbe l’interrogation même, qui n’en est plus qu’une sèche et inutile reproduction. Voilà encore une critique qui s’adresse surtout à une mauvaise façon de faire le cours. La pensée du maître peut, sans rien perdre de sa force, n’être ni tranchante, ni dogmatique à l’excès ; toute sa personne doit en même temps éveiller la confiance et appeler la libre expression des idées. L’hésitation des élèves à parler tient à deux causes principalement : la difficulté qu’ils éprouvent à trouver une expression claire d’idées qui sont souvent un peu vagues et flottantes dans leur esprit ; et la crainte de parler mal devant leurs camarades, la crainte de l’opinion publique. Quant à la crainte de froisser l’opinion du professeur, ils ne l’ont guère que dans la mesure