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est prise dans un point de vue tout intérieur et tout à fait différent de celui qui représente les impressions ou les images. Remarquez aussi que dans le langage psychologique, les actes ou opérations de l’esprit qui dépendent essentiellement de la nature des impressions reçues, sont conçus in concreto avec elles, ont un nom commun avec ces impressions ; tandis qu’il y a des noms particuliers attachés aux actes intellectuels et simples qui s’individualisent dans la réflexion, à part des impressions et des images auxquelles ils s’appliquent. Ainsi, par exemple, je trouve que le terme sensation appliqué aux odeurs, aux saveurs, au chaud, au froid, aux douleurs intérieures et, en général, à toutes les impressions affectives, exprime également et indivisiblement la modification organiquement sentie et l’acte de l’esprit qui Ia perçoit en la localisant ; ce qui fait qu’on est assez embarrassé quand il s’agit d’exprimer une simple modification sensitive séparément de cet acte de perception qui n’a lieu que dans l’autopsie, et c’est ce qui m’a déterminé à choisir le mot affection pour exprimer, dans mon point de vue, cette espèce de modes simples purement sensitifs, à part le moi et l’acte de perception individuelle, qui s’y trouve confondue par la généralité des métaphysiciens, sous le titre général sensation. Voilà donc un exemple où l’acte intellectuel ne dépend pas de la nature des impressions reçues, et constitue une idée à part ou un mode propre et sui generis. Aussi, quand des impressions affectives se localisent ou se coordonnent dans l’espace corporel, l’affection d’une part, l’idée du siège, et le moi qui rapporte l’une à l’autre sont trois éléments agrégés, mais non essentiellement unis par leur nature ; car au contraire l’association de l’idée ou du rapport du lieu avec l’affection organique est postérieure à celle-ci qui peut exister seule ; d’ailleurs, comme vous l’avez très bien reconnu vous-même, les affections ne tendent point par leur nature à se coordonner ou se combiner. Il n’en est pas de même de l’intuition que j’appellerai aussi organique et qui a lieu avant l’autopsie ; dès l’origine du moi ou de la connaissance proprement dite, les impressions de cette espèce se représentent déjà coordonnées dans le monde phénoménal, extérieur au moi ; c’est ainsi que les impressions visuelles et tactiles se représentent coordonnées dans le sens même de l’intuition, dès qu’il commence à s’exercer, en sorte qu’ici la coordination paraît être la forme naturelle et primitive de ces intuitions. Le terme même intuition renferme donc, indivisiblement et sans possibilité de distinction, l’impression non affective