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tions que l’on peut résoudre ce problème ; et ces mots sont bien abstraits pour un tel sujet : c’est un motif pour de hautes et belles causeries. Il suffit — et c’est là l’essentiel de notre thèse — que le philosophe reconnaisse comme principe à la fois de la science et de la vie non un objet de pensée, mais la raison non encore objective, unie et appliquée à la vie, la volonté raisonnable. Remarquons bien qu’entre le philosophe de la volonté et l’humble il ne saurait y avoir la même distance et la même opposition qu’entre l’humble et le philosophe païen, sectateur de la raison claire. Grande est la différence (ceci n’est qu’une comparaison pour mieux nous faire entendre) du philosophe grec, contemplateur de l’ordre éternel, immuable, et du moine dans sa cellule, retiré lui aussi de l’action, mais contemplateur du Dieu souffrant pour l’homme, divinisation du sacrifice.

À plus forte raison faut-il distinguer cet acte initial de toute vertu et de toute science, de la charité, de la fraternité extérieure avec laquelle nous avons ailleurs semblé parfois le confondre, et qui en est seulement la conséquence et comme l’épanouissement naturel.

La charité ne vaut que par cet acte de renoncement intérieur qui seul lui donne son prix ; c’est en soi qu’il faut avant tout chercher la paix, et, en ce sens, le métaphysicien a raison : le salut vient du Deus interior. D’ailleurs, et c’est ce qui explique en partie cette confusion plus apparente que réelle, l’âme ne peut s’absorber, s’éteindre en quelque sorte dans cette conscience intellectuelle, puisqu’il n’y a pas à proprement parler d’objet éternel distinct ; puisque cette conscience est une activité et qu’il nous faut, dès là que nous en avons pris conscience, aller de l’avant et la réaliser. Mais il n’est pas nécessaire pour cela de se vouer spécialement aux œuvres de la charité, et le savant peut aller dans l’oubli de soi aussi loin que le saint. Et cependant, il est vrai de dire que le saint, par la nature même de son activité appliquée tout entière à la purification de sa volonté ou au soulagement de la misère humaine, risque de perdre moins de vue le sommet commun de la pensée et de l’action. C’est pourquoi le sage, pour garder la pleine conscience de ce premier acte qui l’unit à tous, doit se retremper souvent dans la charité extérieure ; car la science, à sa façon, et la philosophie même risquent de trop objectiver la pensée, et de la disperser loin de sa source profonde. Il est vrai d’ailleurs d’autre part que l’organisation pratique