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localisons, donc elles ont quelque chose de représentatif. Fort bien, mais il faut savoir si ce quelque chose de représentatif est un caractère propre et inhérent à ces sensations, ou bien si c’est un caractère surajouté et qui vienne d’ailleurs ; c’est ici où le terme coordination me paraît applicable. Je sais que l’odeur agréable qui m’affecte actuellement me vient de tel corps extérieur et par tel organe ; mais comment le sens-je, et d’où vient le moi qui le sait ? La sensation a-t-elle quelque chose en elle-même qui m’informe de sa cause, de son siège et de son sujet ? et supposé qu’elle fût seule, ou que je ne susse pas d’ailleurs qu’il y a une cause qui produit et un organe qui reçoit l’impression, celle-ci ne serait-elle pas comme toutes les impressions intimes qui affectent sans se localiser ? La causalité semble inhérente aux organes moteurs, la coordination dans un espace paraît propre au sens de la vue[1].

Je regarde, quant à moi, comme très certain, que les sensations d’odeurs, de saveurs, de chaud, de froid, de faim, de soif, comme les douleurs qui affectent une partie quelconque du corps, considérées sans l’autopsie ou le sujet qui se les attribue, sans l’action du moi qui les localise en les rapportant à un siège organique sur lequel a pu s’exercer la force motrice, ou à une cause capable d’agir sur nous comme nous agissons sur elle ; sous tous ces rapports, dis-je, nécessaires à la sensation, mais qui ne sont pas elle, toutes les impressions dont il s’agit seraient au rang de ces simples modifications intérieures, affectives, qui, d’après vous-même, nous rendent heureux ou malheureux, sans que nous sachions que nous les avons. J’ai cherché ailleurs, et encore dans mon dernier Mémoire de Berlin, par quelle suite d’actes, de progrès et de conditions la sensation affective se composait ainsi successivement de divers rapports ou jugements, et je ne crois pas avoir besoin ici d’y insister ; il me suffira d’avoir établi le principe sur lequel je fonde la différence essentielle que j’établis entre la sensation et la perception après l’autopsie, comme entre l’affection et l’intuition après l’autopsie.

Je ne sais s’il ne vaudrait pas mieux appeler coordination cette espèce d’association qui se fait dans l’autopsie entre les affections simples et des actes successifs de la force motrice, coordinations en

  1. En marge : « Ampère est tombé dans l’inconvénient de tous ceux qui ont classé les phénomènes de l’intelligence et rangé sur la même ligne les matériaux passifs de nos connaissances avec les produits de la force qui les met en œuvre, Kant, Condillac, Tracy ».