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d’opérations intellectuelles. — Vous me faites bien plaisir en me disant que vous avez trouvé plusieurs juges à consulter sur ce point fondamental et vraiment ardu ; mais vous me permettrez d’avoir moins de confiance dans ces autorités inconnues et un peu suspectes que dans la vôtre.

Permettez-moi de vous renvoyer à mon Traité de l’Habitude où je crois avoir assez bien établi la différence réelle qui sépare la sensation, c’est-à-dire l’affection avec le moi, de la perception, c’est-à-dire de l’intuition avec le moi. Si les deux phénomènes simples sont spécifiquement distincts et doivent avoir deux noms différents, comme vous le reconnaissez, pourquoi les composés qu’ils forment au moyen de l’autopsie ne seraient-ils pas aussi distincts ? Un principe que je regarde aussi comme incontestable, et que j’ai déjà appuyé, comme je l’appuierai encore, au besoin, de plusieurs exemples, c’est que toute perception complète se fonde primitivement sur un acte de la volonté ou de la force motrice, qui contribue en partie (comme dans la vision, l’auscultation et surtout le toucher actif), ou même en tout (comme dans les sons ou articulations de la voix parlée), à donner à l’impression reçue par l’organe la forme perceptive ; or, si la volonté est le principe générateur d’une certaine espèce de modifications, et qu’elle soit absolument étrangère aux autres comme elle l’est toujours réellement à ce qui est affection, pourquoi ne ferions-nous pas de ce mode essentiel de génération le titre principal d’une classe ? De ce que je ne puis, dites-vous, éprouver une affection qu’autant que je vais la chercher au loin ou que je me la procure par une suite d’actes volontaires, s’ensuit-il que cette affection change de nature ? Non sans doute, elle n’en change pas, et c’est justement parce qu’elle conserve sa forme affective indépendamment de l’acte volontaire qui en est l’occasion plutôt que la cause et qui ne peut rien aussi pour changer son caractère, c’est pour cela, dis-je, que l’affection collatéralement associée ou agrégée au vouloir et au moi, ne peut être confondue dans ce composé avec d’autres modifications dont la volonté est cause nécessaire, partielle ou totale, dont la production et le caractère non affectif est subordonné à la force motrice, et qui sont aussi intimement unies au moi comme ayant une affinité naturelle ou une analogie essentielle avec son mode fondamental et constitutif. — Voilà mes raisons pour faire deux classes de la sensation et de la perception. La nomenclature proposée est loin de remplir tous les besoins de la science.