effet ceux-là seuls pourraient concevoir une séparation entre la logique et la métaphysique qui considèrent la pensée comme dépourvue de consistance et de profondeur, capable seulement de refléter, et transparente également pour toute espèce de réalité ; alors la méthode serait un procédé mécanique indifférent à la nature qui lui est soumise. Le principe fondamental qui nous a paru caractériser la philosophie de Spinoza, justifier chacune de ses conclusions, c’est tout au contraire que la pensée est à elle seule une réalité. Qui dit concept dit action (I, 76). L’idée est vraie en raison de sa génération spirituelle et elle a une fécondité qui lui permet de communiquer sa vérité à de nouvelles idées. La pensée, étant un être organisé, se rattache nécessairement à l’être. Par conséquent pas d’étude préalable ne portant que sur les moyens de saisir l’être, et laissant indéterminée la nature de cet être ; l’unité de la pensée et de l’être a pour conséquence l’unité de la méthode et du système. De même que l’esprit une fois affranchi de toute autorité extérieure, une seule méthode restait qui fût conforme à cette indépendance, de même cette méthode n’a pu se constituer et s’achever sans entraîner par là même une certaine conception de l’être, sans devenir un système. La liberté de l’esprit a déterminé une méthode ; la méthode détermine un système. L’étude du spinozisme, telle que nous l’avons faite jusqu’ici, aboutit donc à cette formule : la liberté absolue est une détermination, détermination complète et exclusive de toute autre détermination.
De cette union étroite qui fait coïncider le système avec la méthode, découle cette conséquence que le système a un point de départ nécessaire : la notion suprême qu’a fournie l’étude de la méthode ; qu’à partir de cette notion il se déroule dans un ordre fixe, qu’il est un et qu’il est unique. Par suite la philosophie ne se divise point en différentes parties, qui correspondraient à autant de problèmes spéciaux et indépendants. Aucune question ne peut être abordée qu’au rang qui lui revient dans le développement logique des notions ; en effet, non seulement elle est traitée et résolue grâce aux notions qui la précèdent rationnellement, mais elle ne peut même être posée et définie sans leur secours. Spinoza, qui demande à la spéculation philosophique une doctrine de la vie morale, s’interdira pourtant d’appliquer immédiatement sa méthode à la résolution du problème moral. Ce problème n’existe pas pour lui à l’état séparé, autrement on supposerait une catégorie morale qui s’imposerait par elle-même sans démonstration, sans définition, et d’avance on aurait déter-