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l’exacte expression de la réalité, est une cause, et en tant que cause, elle enveloppe en elle la notion de son effet, de sorte que de sa seule considération se déduisent les idées de toutes les choses qui offrent quelque communauté de nature ou qui entretiennent quelque commerce avec elle. Ainsi si l’esprit pose cette essence comme le point de départ de la synthèse, et passe d’idée concrète en idée concrète, l’ordre logique de ses pensées correspond parfaitement à l’enchaînement naturel des choses. Entre la pensée et l’être le parallélisme est exact, ou, pour employer la formule spinoziste : l’idée se comporte objectivement comme son idéat se comporte réellement (I, 13). De là enfin cette conséquence, que nos idées ont entre elles les mêmes rapports que leurs objets. En effet plus une chose a de relations avec d’autres choses dans la nature, plus riche et plus féconde est la déduction qui procède de son idée ; ainsi s’établit entre les notions une hiérarchie de perfection, qui exprime la perfection réelle de leurs essences formelles. De même que le développement de notre connaissance serait brusquement arrêté, si nous nous attachions à une idée qui, tout en étant vraie, aurait un objet complètement isolé dans la nature et sans commerce aucun avec un autre objet, de même aussi, pour atteindre à la vérité intégrale, c’est-à-dire pour enfermer dans l’unité d’une synthèse la totalité de nos conceptions, il faut de progrès en progrès arriver à concevoir l’être qui est en rapport avec tous les autres êtres, celui par suite qui est la source et l’origine de la nature (I, 14) ; car son idée contient en elle toutes les autres idées ; la possession de cette idée suffit donc à provoquer le développement complet de l’esprit et à le ramener à un principe unique, puisqu’elle permet de parcourir la série des choses naturelles en leur donnant un ordre et un enchaînement tels « que notre esprit, autant qu’il peut, exprime dans sa représentation la réalité de la nature, dans l’unité de son ensemble et dans le détail de ses parties » [ut mens nostra, quod ejus fieri potest, referat objective formalitatem naturæ, quoad et totam et quoad ejus partes, I, 30). La véritable voie de la vérité ne peut donc être que la réflexion sur cet être total, c’est-à-dire souverainement parfait, réflexion qui est elle-même une connaissance totale, c’est-à-dire une idée souverainement parfaite, et la méthode s’achève dans cette règle supérieure : diriger son esprit suivant la loi que fournit l’idée de l’être souverainement parfait (I, 13).

Ainsi la méthode est en quelque sorte suspendue à l’être, et en