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LA LOGIQUE DE SPINOZA



Une fois entré en possession de cette liberté intellectuelle qu’il avait défendue tour à tour contre l’entraînement de ses propres passions, contre le pouvoir de l’État et contre l’autorité de l’Église, Spinoza s’est proposé d’en faire usage pour résoudre le problème de la conduite humaine. Suivant quelle méthode doit-il l’aborder ? À cet égard sa liberté reconquise semble lui donner la faculté de choisir absolument, et pourtant il n’en est rien : chez un véritable penseur, en effet, les idées ne peuvent demeurer à l’état d’isolement ; d’elles-mêmes, parce qu’elles vivent, parce qu’elles s’étendent et s’approfondissent, elles s’organisent et, en vertu de leur dépendance mutelle, elles deviennent système, de sorte qu’il n’y a pas de question qui soit purement préliminaire et qui puisse être tranchée sans que cette solution décide de la solution générale du problème philosophique. Le Traité de Théologie et de Politique paraît être une simple introduction à l’Éthique, il la contient toute en réalité. La liberté encore extérieure à laquelle il aboutit, détermine et circonscrit déjà la liberté intérieure qui marque l’accomplissement du progrès moral. En effet la liberté absolue que Spinoza présente comme étant essentielle à la pensée et caractéristique de sa nature a une conséquence immédiate, c’est que l’esprit ne peut être en face que de l’esprit ; entre lui et autre chose que lui, il ne peut y avoir de contact ni de commune mesure, il ne peut donc y avoir aucune espèce de rapport ; c’est-à-dire encore que la vérité ne peut être extérieure à l’esprit, car l’esprit ne peut sortir de lui-même pour la justifier en tant que vérité. Par conséquent il n’y a pas à tirer du dehors une règle qui s’impose à la pensée et qui la conduise au vrai. L’esprit n’a pas à chercher comment il trouvera, il trouve tout d’abord ; c’est à lui de connaître, et ce qu’il connaît est vrai, parce qu’il le connaît. « Le principe qui constitue la forme de la pensée