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III

Avant de clore cette étude, et en manière de conclusion, nous dirons quelques mots du principe à l’aide duquel il serait possible, à notre avis, de construire synthétiquement une doctrine évolutionniste. Ce principe, nous l’avons appelé ailleurs principe de la répétition altérante[1].

Pour retrouver, au terme final d’un raisonnement déductif, le changement et le développement, il faut l’avoir introduit dans les hypothèses qui lui servent de point de départ ; il faut qu’elles renferment la formule de la nécessité du changement. D’un autre côté, si le changement est absolu, s’il ne renferme pas une part de permanence, comment la science, la connaissance systématisée serait-elle possible ? Là où n’existe aucune identité, là où règne le chaos, la raison, malgré toute sa puissance, ne pourrait parvenir à établir l’ordre, qui est la condition formelle de la connaissance scientifique. Il en résulte qu’une formule énonçant simplement la nécessité du changement ne saurait rien donner, qu’on n’en pourrait rien tirer. Il faut donc unir le changement et la permanence, tout en laissant dominer le changement, il faut concevoir la possibilité de la répétition des phénomènes avec modification, altération, transformations graduelles. Les seules existences susceptibles d’évoluer, au sens propre du mot, sont celles qui se manifestent par des phénomènes dont l’identité, dans la durée, n’est jamais complète, des phénomènes qui se répètent, mais non intégralement, qui changent, mais non totalement. Si la succession de ces phénomènes est absolument hétérogène, comment les classer, comment les reconnaître ? Si la succession est une répétition intégrale, où découvrir une évolution ? La répétition intégrale est l’obstacle devant lequel échoue, nous l’avons vu, l’évolutionnisme physique. Le principe générateur de l’évolutionnisme est ainsi, nécessairement, le principe de la répétition altérante.

Mais il ne suffit pas de le reconnaître, il importe aussi de se demander si un tel principe trouve son application dans le domaine des faits d’expérience, s’il correspond à une réalité objective.

  1. Voir notre étude sur « la Répétition et le Temps », Revue philosophique, septembre 1893.