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mènes que l’on considère sont des mouvements d’agrégats matériels.

Qu’est-ce que la Persistance de la Force, sinon un énoncé, en termes empruntés au langage de la mécanique, du principe de la réalité de la Substance ?

La Substance est et demeure. Pour l’évolutionniste, la Substance c’est la Force. Si la Force, réalité dernière, est vraiment une réalité, il faut qu’elle soit persistante, La Force apparaît donc ici comme l’absolu dans la catégorie d’existence, l’absolu substantiel : « La force dont nous affirmons la persistance est la Force absolue dont nous avons vaguement conscience comme corrélatif nécessaire de la force que nous connaissons. Ainsi, par la persistance de la Force, nous entendons la persistance d’un pouvoir qui dépasse notre connaissance et notre conception. En affirmant la persistance de la Force, nous affirmons une réalité inconditionnée sans commencement ni fin[1] . »

C’est là un premier aspect du principe, l’aspect ontologique. Étant admis que matière et mouvement sont des entités, ou correspondent à des réalités en soi, il n’est pas difficile de montrer, comme le fait Spencer, que le principe de la persistance de la Force est nécessaire, vraiment a priori, que toutes nos propositions scientifiques le présupposent et qu’il les précède toutes. Mais, si l’on abandonne le point de vue du réalisme substantialiste, on devient plus exigeant, et la démonstration de la nécessité du principe s’écroule. Le principe de la persistance de la Force n’est nécessaire qu’à la faveur de l’hypothèse ontologique[2].

  1. Premiers Principes, trad. française, p. 173.
  2. Voici la démonstration : « Dans les trois cas, la question porte sur la quantité : est-ce que la matière, le mouvement ou la force diminuent en quantité ? La science quantitative implique la mesure, et la mesure implique une unité de mesure. Les unités de mesure d’où dérivent toutes les autres mesures exactes sont des unités d’étendue linéaire. Les unités d’étendue linéaire dont nous nous servons sont des longueurs de masses de matière, ou les espaces compris entre des marques portées par ces masses ; et nous supposons que ces longueurs ou ces espaces compris entre des marques sont invariables quand la température ne change pas. De la mesure étalon que l’on garde à Westminster dérivent toutes les mesures employées dans les opérations trigonométriques, pour la géodésie, la mesure des arcs terrestres et les calculs des distances et des dimensions astronomiques, etc., et par suite de l’astronomie en général. Si les unités de longueur primitives ou dérivées pouvaient varier irrégulièrement, il n’y aurait pas une science de la dynamique céleste, ni aucune des vérifications qu’elle nous fournit de la constance des masses célestes et de leurs énergies. Il s’ensuit que la persistance de l’espèce de force qui produit l’occupation de l’espace ne saurait être prouvée, par la raison qu’on la suppose tacitement, dans toute expérience et toute observation instituées pour la démontrer. Il en est