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la systématisation, qu’à prendre la voie synthétique et à partir d’un principe, posé a priori, mais, en réalité, indiqué, suggéré par l’expérience.

L’évolutionnisme emprunte aussi sa méthode à la science positive. Le physicien, après avoir découvert des lois, en montre la conformité entre elles. Puis il cherche à les identifier, à les réduire par ordre de généralité croissante, en commençant par ramener les moins générales à de plus générales, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il soit obligé de s’arrêter. Il reste alors en possession de lois qui ne se laissent plus réduire et qu’il doit expliquer, c’est-à-dire dont il doit montrer la nécessité sous certaines conditions. À ce moment il a recours aux hypothèses, et il en déduit les lois à titre de conséquences.

Il crée de toutes pièces les théories rationnelles, lesquelles se composent d’hypothèses, prémisses du raisonnement, et d’un enchaînement de déductions et de conclusions reproduisant les lois.

C’est par un procédé analogue que Spencer arrive à déduire la loi d’évolution d’une hypothèse suprême : la Persistance de la Force.

Il y a lieu d’insister, ici, sur le sens qu’il convient d’attribuer au mot Force.

Nous ne demanderons pas pourquoi la Force, dans le système spencérien, est synonyme de Substance, de chose en soi. Nous avons vu précédemment qu’il ne pouvait guère en être autrement, que toute doctrine évolutionniste, lorsqu’on l’applique au monde de la matière et du mouvement, au monde des phénomènes en eux-mêmes, implique nécessairement le réalisme substantialiste, et nous n’y reviendrons pas. Nous ne reprocherons pas non plus au philosophe d’avoir conservé néanmoins à la Force, dans les exemples et les lois particulières qu’il cite à l’appui de sa thèse, lorsqu’il s’agit de phénomènes mécaniques, le sens purement relatif de grandeur dirigée que lui reconnaissent les géomètres et les physiciens, et de lui avoir donné une signification beaucoup plus large et moins précise, selon qu’il est question des phénomènes biologiques, psychologiques ou sociologiques. Sans doute, cette indétermination inévitable du concept fondamental qui sert de pivot à tout le système peut amplement fournir matière à critique. Mais nous ne nous en occuperons point. Il nous suffira de constater, et c’est là le point important, que Spencer emploie le plus souvent le mot Force dans le sens qu’on lui attribue en mécanique, et que c’est, à la rigueur, le seul qui lui convienne, dans une théorie de l’évolutionnisme physique où tous les phéno-