cept historique achève donc de se définir et se différencie désormais nettement du concept de multiplicité de succession ou de série phénoménale dans le temps.
En même temps, la connaissance se transforme, elle cesse d’être phénoménale, elle devient ontologique, son point d’application se déplace, il passe du sujet percevant à l’objet signe de réalité.
Le concept historique, dans le domaine de l’expérience externe, du monde des phénomènes en eux-mêmes, est ainsi engendré par la croyance au réalisme substantialiste. Avec l’hypothèse de la substance, la liaison des éléments phénoménaux a été rendue possible, ce ne sont plus seulement des faits isolés, consécutifs ou coexistants, on les reconnaît désormais comme des manifestations d’une entité, insaisissable en elle-même, mais réelle. Si l’on fait totalement abstraction du sujet percevant, on dira qu’ils sont les manières d’être de la substance. Si l’on tient compte de la présence du sujet, on dira qu’ils sont les effets de son action sur lui.
Cette introduction de l’hypothèse de la substance dans le concept historique de l’univers résulte du besoin d’interpréter l’expérience, bien plus que de rexpérience elle-même. La réalité de la substance est une hypothèse indépendante de l’expérience, et le concept de substance un concept surajouté, non inutile puisqu’il permet d’interpréter l’expérience, mais non indispensable, car on peut penser sans lui, et il n’est pas a priori. Au contraire, l’existence en soi phénoménale est implicitement contenue dans le concept qu’on s’en fait : « Sans l’être, dit fort justement M. Evellin, sans l’acte synthétique qui unit les éléments du phénomène, le dessine dans l’espace et lui prête, avec la durée une ombre de continuité et de vie, le phénomène, ramené à sa pauvreté native, ne se distinguerait plus du néant »[1]. Le concept de l’existence phénoménale est une condition de l’expérience, car du moment qu’on objective le phénomène, on l’oppose au sujet, on le pose comme existant vis-à-vis de lui ; en ce sens, c’est un concept a priori. Le concept de substance, lui, dépasse l’expérience, non seulement parce qu’il n’y est point impliqué, mais encore parce qu’il a pour but de l’expliquer. Le premier est un concept formel, qui tient à la forme même de l’opération appelée perception extérieure, et le second un concept rationnel, une construction de la raison, l’absolu dans l’ordre de l’existence.
- ↑ De la possibilité d’une méthode dans les sciences du réel (Revue philosophique, octobre 1891).