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répondre que la thèse relativiste est contradictoire, puisqu’elle énonce comme une vérité cette proposition qu’il n’y a pas de vérité absolue. Un jugement au moins est vrai : à savoir qu’il n’y a pas de vérité absolument valable ; car cette affirmation est la condition préalable de toutes les autres et de l’exercice même de la pensée. Ce jugement est comme le point central vers lequel convergent les autres jugements qui doivent être portés et dont la totalité constitue le savoir humain.

XVII. La conscience en tant que faculté générale de juger. — Toute la théorie précédente repose sur la distinction du sujet universel qui connaît et du sujet individuel qui prend conscience des représentations particulières. On a supposé une conscience représentative en général. Il est nécessaire de préciser ce concept. La conscience est le sujet qui reste quand on considère le moi individuel avec ses représentations non plus comme sujet, mais comme un véritable objet. Or le seul sujet capable de juger que nous connaissions n’est-ce point précisément ce moi individuel ? La conscience en général est-elle apte à affirmer ou à nier ? N’est-ce point une pure abstraction vide de toute matière sur laquelle porte l’affirmation ? Distinguons, répond M. Rickert. Oui, la conscience en général est une abstraction ; mais, même dans l’abstrait, une conscience en général est inconcevable. La conscience en général doit avoir un contenu, abstrait d’ailleurs et indéterminé lui aussi. Ce contenu en général est identique avec le concept d’être (immanent). Mais être, d’après la théorie qu’on vient d’exposer, est identique à être affirmé. La conscience en général n’a donc un contenu qu’en tant qu’elle reconnaît une existence, qu’en tant qu’elle affirme. La plus haute abstraction à laquelle nous puissions nous élever est donc le concept d’une conscience qui juge, c’est-à-dire qui affirme l’être. Au sommet de la pyramide des concepts se trouve non pas le concept pur et simple d’être, mais ce jugement : quelque chose est (Etwas ist). Ce jugement énonce une nécessité universelle, un devoir, condition de toute conscience, et par suite indépendant de la conscience, en un mot, transcendant. C’est aussi la condition logique du monde, car le monde n’est autre chose que le contenu de ma conscience. Bien loin d’être vide, la conscience en général embrasse tout. Le réel est ce qui est affirmé par la conscience en général. L’idéal de la connaissance est de soumettre toutes les représentations de la conscience individuelle au jugement de la conscience en général qui leur confère le caractère de nécessité, de réalité, en vertu du devoir, réalité suprême qu’elle reconnaît comme le type de tout être et de toute vérité.

Cette conscience en général n’a rien d’ailleurs d’une entité métaphysique ; c’est purement et simplement un concept. Ce n’est point une réalité transcendante, mais la condition de toute réalité. C’est que, on ne saurait trop le redire, le jugement ne se règle pas sur l’être ; l’être n’est être qu’autant qu’il est affirmé.

XVIII. Conclusion. — Malgré cette démonstration, l’existence des choses transcendantes reste pour nous absolument problématique. Nous ne pouvons admettre le transcendant que comme la norme de l’affirmation et de la négation (als Norm des Bejahens und Verneinens). Le nécessité de juger n’est point une chose mystérieuse qui se propose à la croyance ; tout juge-