Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

IX. Le contenu de la conscience et l’être psychique. — En affirmant que toute réalité est un contenu de la conscience, ne réduisons-nous pas le monde à n’être qu’un pur processus psychique. L’objection ne manquerait pas de gravité si psychique et conscient étaient ici deux termes univoques. Or il n’en est rien. Par psychique on entend tout état interne d’une conscience individuelle par opposition à physique, à corporel. Mais cette distinction du physique et du psychique perd toute espèce de sens du moment où il s’agit de la conscience en général, c’est-à-dire de la conscience définie simplement comme la condition préalable de toute existence (Voraussetzung alles Seins). Et c’est précisément pourquoi la thèse idéaliste ici défendue n’est en contradiction ni avec le réalisme instinctif des esprits sans culture, ni avec le réalisme des sciences particulières. La seule position qu’elle attaque est le réalisme des théoriciens de la connaissance, qui, tout en reconnaissant que le monde, en tant que donné, est un contenu de la conscience, admettent en outre l’existence d’autres réalités, d’un x indéterminable dont le monde sensible est la manifestation concrète.

X. La connaissance représentative (Erkennen als Vorstellen). — Cependant l’idéalisme est tout autre chose qu’un pur subjectivisme. D’accord avec M. Riehl, M. Rickert admet que l’esprit humain veut connaître quelque chose d’indépendant du sujet ; le savoir repose sur la conviction qu’un ordre actuel (Vorhanden) de choses peut être découvert. Si la connaissance peut vraiment être définie un accord des choses avec les représentations, il doit de toute nécessité exister un monde transcendant d’après lequel se règlent les représentations. Cette conviction, du moins, est un besoin de l’esprit humain dont il faut pousser l’analyse aussi loin que possible. Mais tout d’abord, est-il légitime de définir la connaissance par la représentation (Vorstellung) des objets ? Les représentations ne sont-elles pas plutôt elles-mêmes les objets, et n’aurait-on pas besoin, pour les connaître, de représentations de représentations ? N’est-il pas plus juste d’en revenir à la vieille théorie aristotéhcienne d’après laquelle connaître c’est juger, car connaître c’est toujours affirmer queque chose. À quoi l’on objectera que le jugement n’étant qu’une liaison de représentations, le bénéfice est mince de substituer un terme à l’autre. Mais peut-être le jugement est-il autre chose qu’une liaison de représentations, peut-être a-t-il une signification et une valeur propres qui nous permettent de déterminer la véritable valeur objective de la connaissance.

XI. Représentation et jugement. — Or, entre la simple représentation et le jugement, il n’existe pas, comme l’ont cru quelques-uns, une simple différence de degré. D’une manière plus précise, quand le jugement (Urtheil), au lieu d’être simplement écrit ou prononcé des lèvres, est posé par une pensée qui s’exerce consciemment en vue du vrai, il est l’œuvre d’une affirmation (Beurtheilung) expresse qui s’exprime par un oui (Bejahung) ou par un non (Verneinung). Si, par un temps clair, en plein midi, je dis : « le soleil brille » ou « le soleil ne brille pas », j’énonce deux jugements dont les éléments représentatifs sont les mêmes, et qui pourtant sont contradictoires, c’est l’acte de l’affirmation qui seul constitue la vérité, l’objectivité du premier.