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et la pensée, il ne s’agit apparemment pas de la rotation de l’Univers. Et si ce passage vise surtout les Mégariques, on sait assez que, sur la question du mouvement, Mégariques et Éléates étaient d’accord : il y a d’ailleurs dans le contexte un passage qui semble bien se rapporter à la méthode de Zénon (τὰ ὲκείνων σώματα… ). » — Le passage en question me semble viser non pas surtout, mais exclusivement des philosophes autres que les Éléates, d’après l’ordre même qu’a suivi la discussion. Platon a commencé par interroger « ceux qui disent que l’Univers est un », après quoi les interlocuteurs ont dit : « Il faut nous tourner maintenant vers des philosophes qui professent des doctrines différentes ». Le passage cité par M. Brochard, et qui vient un peu plus loin, ne s’adresse donc plus du tout à Parménide. Je veux bien qu’il y soit question des Mégariques, mais, pour en tirer des conséquences quelconques relatives aux Éléates, il faut admettre, sur la foi de la tradition et de témoignages fortement postérieurs à Platon, que Mégariques et Éléates ont dit la même chose à propos du mouvement. Ce serait ici — comme encore quand M. Brochard fait allusion à Diogène — s’écarter du terrain où il faut évidemment se maintenir, et où nous convie notre contradicteur lui-même, en fondant ses critiques sur Platon. Quant aux quelques mots qui rappellent en effet la méthode de Zénon, y a-t-il vraiment aucune raison sérieuse d’admettre qu’ils se rapportent à Zénon plutôt qu’aux Mégariques ? M. Brochard ne le pense pas sans doute et veut simplement y trouver la preuve d’une analogie entre Mégariques et Éléates, — mais l’analogie reste exclusivement dans la méthode, et la phrase complète est assez significative à cet égard : « Ils les mettent en poussière, et, au lieu de l’existence, ne leur accordent qu’une génération emportée en continuel mouvement (γὲνεσιν ὰντ’ οὺσίας φερομένην τινὰ προσαγορεύοσιν).

Ainsi il ne me semble pas que le Sophiste, dans le passage cité, apporte un éclaircissement positif sur la pensée des Éléates. — Il n’en est peut-être pas de même des autres parties du dialogue.

Lorsque Platon interprète directement la pensée de Parménide, ne donne-t-il pas chaque fois l’impression que pour lui l’être est l’Univers ? — « Notre école d’Éléates (252, D) nous raconte d’autres fables en nous présentant ce que nous appelons l’Univers comme un seul être. » — « Or si le tout est (244, E), comme le déclare Parménide, semblable par la forme à une sphère, etc., si l’être est tel… » — Ailleurs (252, A) Platon oppose clairement « ceux qui font mouvoir l’Univers et ceux qui le condamnent à l’immobilité ». N’est-il pas vraisemblable d’après cela que l’être auquel Parménide refuse le mouvement soit l’Univers ?

2° « Dans le Théétète, dit M. Brochard, nous voyons Platon opposer à la théorie de Parménide, comme son contraire, la doctrine d’Héraclite et de Protagoras. Or quand Héraclite et ses disciples soutiennent que rien n’est en repos, que tout est en mouvement, il ne s’agit pas du mouvement de l’Univers, pris dans son ensemble, mais bien, comme le prouve toute la discussion, du mouvement des parties élémentaires, de la sensation, des qualités des corps, de tous les êtres et de tout ce qui devient. À cette affirmation que tout est mouvement s’oppose absolument cette autre affirmation que rien ne se meut, et il s’agit évidemment du mouvement ou plutôtt du