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nous l’attendions, et il est heureux qu’elle ait trouvé un tel interprète. Qu’elle soit d’une importance capitale dans le débat qui nous occupe, c’est ce que mettra hors de doute la discussion qui va suivre. Le problème ainsi présenté se renouvelle ; il évolue et l’on peut espérer lui faire faire un pas vers sa solution.

Est-ce à dire que nous soyons tentés de nous rallier à la théorie qu’on propose ? L’affirmation du devenir est, croyons-nous, une affirmation nécessaire, mais provisoire. Ce n’est qu’un moment dans la vie du problème qui nous intéresse : l’antithèse, pour parler la langue de Hegel. Il faut dépasser ce point de vue. Si le mouvement, soumis à l’analyse, se résout en devenir, le devenir, à son tour, on le verra, se résout en actes successifs, qui nous rejettent dans la multiplicité des moments, et font reparaître, au sein du mouvement lui-même, sous l’aspect uniforme que lui avait prêté l’hypothèse, les divisions effacées. Avec l’activité en plus, il nous faut traiter le problème dans les conditions où l’avait traité Zénon et où l’ont traité avec lui la presque unanimité des penseurs.

Ainsi, et pour fixer les idées, notre contradicteur se promet de sauver le mouvement en lui prêtant une définition nouvelle.

Nous croyons, nous, que cette définition, vraie en un sens, mais incomplète, le laisserait infailliblement périr.

L’argumentation de Zénon, dit-il, a défié et défie encore toutes les attaques. Nul défaut de cuirasse, nulle partie faible. Il faut, pour se soustraire à ses conséquences, sortir de la donnée où le philosophe s’enferme et se réfugier dans le devenir.

Nous répondons : l’hypothèse du devenir ne nous donne qu’un moment l’illusion d’avoir échappé au cercle tracé par le dialecticien d’Élée. En dépit de tout on s’y retrouve. Il faut donc, avec respect, mais sans superstition, se demander une fois de plus ce que valent ses arguments. Or, définitive et sans appel contre les partisans de la division à l’infini, la logique de Zénon échoue, selon nous, contre leurs adversaires qu’elle laisse indemnes. L’étude des deux arguments dirigés contre eux nous permettra d’établir que la doctrine de la division limitée et des minimes grandeurs n’est atteinte, en ce qu’elle a d’essentiel, ni par l’un ni par l’autre des deux plus illustres représentants de la dialectique. Elle échappe à la fois aux objections de la philosophie de l’être et à celles de la philosophie du devenir.

Avant toute discussion, il importe de circonscrire exactement notre thèse.

Le partisan des indivisibles affirme l’existence de longueurs qui ne se divisent plus en longueurs, de durées qui ne se divisent plus en durées, de mouvements qui ne se divisent plus en mouvements.

On le voit, une telle affirmation est contradictoirement opposée à celle des partisans de l’infini. Il faut s’y tenir, si l’on veut que le dilemme soit rigoureux.

Sans doute on peut aller au delà, et soutenir que les minimes grandeurs, dans chaque genre, doivent à la fin se résoudre en éléments qui leur soient hétérogènes, mais nous n’avons pas, pour le moment, à nous préoccuper