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les temps primitifs, celui que se proposaient les grandes époques de la civilisation grecque et romaine, celui surtout que se proposa, au moyen âge, principalement dans notre pays, l’institution qu’on nomma la Chevalerie ; c’était celui que devait réaliser avant tout le souverain dont les chevaliers étaient les représentants (milites regis). Et c’est ce qui fit la grandeur du roi de France, dont le rôle spécial était de se dévouer aux faibles. Rome et Athènes, du reste, étaient devenues grandes autrefois parce que leurs fondateurs en avaient fait des asiles où accouraient tous les opprimés. Et ce fut là, dit Tacite, l’antique dessein de ceux qui fondèrent des villes : vetus urbes condentium consilium.


De telles conceptions remises en lumière ne devraient-elles pas contribuer pour beaucoup à remédier aux maux, à résoudre les difficultés de l’heure présente ? On se plaint d’une division qui s’accuse de toutes parts, entre les grandes parties de la cité, de sentiments qui s’y développent, au lieu de la fraternité qui devait couronner la liberté conquise, d’hostilité mutuelle. Que pourrait-on imaginer qui fût propre à guérir un tel mal, qu’une doctrine, semée dans les populations, de générosité réciproque, impliquant et respect et bienveillance mutuels, portée, par suite, jusqu’au dévouement, jusqu’au sacrifice ?

Pour compléter une telle doctrine, il conviendrait encore de se souvenir de ce que furent, dans les grandes religions qui formèrent le lien des sociétés d’autrefois, les initiations, ou Mystères, dont l’objet suprême était d’unir étroitement les hommes à la divinité[1]. L’union devait être filiale et finalement conjugale. Pour y préparer, une condition était nécessaire : la pureté. Un sacrement préliminaire à l’union sacrée était un baptême par lequel on figurait le renoncement absolu à tout ce qui souille et rabaisse. Il en fut de même dans les rites de notre Chevalerie. On y commençait par des pratiques ayant pour objet d’exprimer la pensée que résume la devise célèbre : Potius mori quam fœdari. Pureté, c’est ce qu’en ces temps anciens on appela honneur : « honneur », dans la langue latine, d’où ce mot fut tiré, signifie dignité, beauté. Honneur et compassion, beauté et bonté, furent les deux degrés par lesquels on s’éleva jadis, on s’élèvera toujours à la réalisation de ce qu’on peut appeler l’idéal

  1. Voy. ibid., Les Mystères, fragment d’une étude sur l’histoire des religions.