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signe de sensibilité. Ils considèrent comme vivant tout ce qui leur paraît apte à sentir, penser et agir volontairement. Si le sommeil, même le plus profond, comporte encore à leurs yeux la vie, c’est qu’ils ont constaté, par le réveil qui suit en eux le sommeil, que celui-ci comporte cette triple aptitude à l’état latent. Mais il n’est pas indispensable que ces trois caractères de la vie humaine soient réunis dans un être pour que les enfants lui attribuent la vie. L’expérience, en effet, leur enseigne bientôt que beaucoup de mouvements, tels que ceux du feuillage, des nuages, des machines, qui ont pu d’abord leur paraître autonomes, sont seulement communiqués, ne sauraient être volontaires et par là témoigner la vie. Ils s’habituent ainsi à ne plus l’attribuer à tout ce qui se déplace, et comme d’ailleurs ils se sentent vivre indépendamment de toute locomotion, la vie leur semble compatible avec l’immobilité dans l’espace. Pour peu qu’un rocher ait une apparence de visage, on leur persuadera très aisément qu’il vit et que même il est un dieu. On pourra même ne lui prêter que l’aptitude à sentir et lui refuser toute activité interne sans pour cela l’empêcher de passer pour vivant dans leur imagination ; de sorte que, en dernière analyse, il suffit qu’une forme soit censée contenir un principe conscient, à quelque degré que ce soit, pour qu’ils la regardent comme vivante.

Parmi les états de conscience c’est la sensation, et spécialement la sensation douloureuse, qui, manifestée dans une forme, est pour eux le plus patent caractère de la vie. Comme, d’ailleurs, ils ne devinent la douleur que par la réaction visible et soudaine de l’objet contre l’impression qu’il subit, ils n’accordent pas la vie aux plantes, ils la circonscrivent dans le règne animal, d’autant que la physionomie du végétal n’a rien de commun avec celle de l’homme. Ainsi pour l’intelligence novice la vie est caractérisée par le phénomène de conscience ; c’en est donc le dernier stade qui en fournit la première notion.

Mais à mesure que, par l’observation et l’étude, le discernement s’aiguise et la compréhension se développe, le point de vue se déplace et le sens du mot vie se scinde et s’élargit à la fois. La vie purement physiologique, caractérisée par un mécanisme inconscient assurant la réparation des matériaux dont est composé l’individu, son développement selon un certain type et sa reproduction, est alors distinguée de la vie spirituelle, soumise, elle aussi, aux lois de l’hérédité et à une évolution (parallèle à celle du corps). Tous