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fort est le même que le sens musculaire actif ; 2° que le sens musculaire peut être passif de deux manières, soit parce que la volonté n’y intervient pas actuellement, soit parce qu’elle ne peut pas absolument y intervenir ; 3° que si l’effort se joint à une sensation musculaire passivement produite, sans son concours, il en résulte un composé où le moi se dislingue et se met en dehors de la force qui ne l’est pas ; 4° que si la force hyperorganique agit seule contre la résistance musculaire, la sensation résultante est un mode relatif sui generis très différent de ce qu’il serait si l’impression musculaire était passive ; 5° que pour que le mode relatif fût regardé comme un composé de deux éléments, il faudrait que la sensation musculaire active fût la même que si elle était passive, abstraction faite du moi qui s’y joint, ce qui n’est pas prouvé. J’admettrais volontiers I’effort non pas dans l’action seule de la force hyperorganique sur le cerveau, mais dans cette action transmise jusqu’à l’organe musculaire. La sensation musculaire est un produit de la réaction du muscle transmise en sens inverse jusqu’au cerveau. Or il faut prouver que cette réaction est la même lorsqu’elle est une suite de l’action initiale de la volonté ou ne l’est pas.

IV

Lettre de Biran à Ampère[1].

Quelque ancienne et générale que soit en psychologie la division des facultés de l’homme en deux systèmes, celui de l’entendement et celui de la volonté, j’avoue que dans ma manière de concevoir les phénomènes et d’expliquer la génération des connaissances il m’a été et m’est encore impossible d’admettre cette division dans le sens où la prennent la plupart des philosophes (notamment Condillac et son école), et voici mes motifs. Disciple fidèle de Locke dans ce point de doctrine fondamental, j’appelle exclusivement volonté la puissance de mouvoir et d’agir et, la séparant absolument du désir avec lequel les métaphysiciens sensualistes se plaisent à la confondre, comme de tout ce qui est passion ou affection dans l’être sensitif, je m’en tiens au principe de Locke : on ne doit comprendre sous le titre de volonté

  1. Écrite en 1807. Cela ressort d’une lettre inédite d’Ampère, que nous donnerons dans la suite. En tête de sa lettre, Biran a placé lui-même ce sommaire : « Différence entre le sentiment qui est la suite d’une action et qui devient le principe déterminant de la répétition et l’affection qui le provoque ».