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des passions, comme on voit Socrate le pratiquer chez Platon, qu’il descende par la réflexion en sa conscience. Là brille pour tous une lumière qui ne laisse d’accès ni à la négation ni même au doute ; là une évidence d’un autre ordre que celle que produit le raisonnement, le calcul, mais plus irrésistible encore. « Tout revient au sentiment. » C’est où se terminent toutes les sciences : c’est à quoi en appelle, sinon uniquement, au moins principalement, la haute philosophie.


Le sentiment pour les choses d’ordre moral, pour ce qui se rapporte aux affections, à la volonté, à l’amour qui en est le fond, c’est ce qu’on nomme le cœur. Au cœur appartient donc, comme Pascal l’a dit aussi, le dernier mot, en tout, mais éminemment dans la haute sphère de l’ordre surnaturel. C’est, a dit le même auteur, une chose blâmable en toute autre matière que de chercher à obtenir l’approbation des hommes par le sentiment plutôt que par la raison. Pour les vérités d’ordre divin, c’est le contraire ; il faut aimer pour comprendre, c’est le cœur qui enseigne et qui juge.


La vraie métaphysique n’est donc pas le privilège des doctes : elle est aussi le partage des moins instruits. Je vous rends grâces, ô mon Dieu, dit un texte chrétien, qui avez caché ces choses aux savants et les avez révélées aux simples. Exposée sans l’appareil de ces termes techniques dont Leibniz voulait qu’on fit aussi peu d’usage que possible, et qui ne servent souvent qu’à simuler un savoir absent, traduit par des expressions empruntées de la langue commune, puis propagée par l’éducation[1], on ne voit pas pourquoi la métaphysique qui résulte des méditations successives des penseurs de premier ordre (perennis quædam philosophia) ne pénétrerait pas dans les foules, et n’y trouverait pas l’accueil qu’y reçurent jadis, plus souvent que dans des rangs plus élevés, des paroles de salut.


D’une métaphysique que résume l’idée d’un premier et universel principe qui donne jusqu’à se donner lui-même, une morale doit sortir qui en soit l’application à la conduite de la vie.

  1. Voy. Revue bleue, 23 avril 1887, Éducation.