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rayon de courbure, et ils se distinguent les uns des autres par la longueur de ce rayon. Mais pour pouvoir considérer ainsi l’ensemble des espaces euclidien et non euclidiens comme coexistants et les comparer entre eux, il faut les penser dans un espace à quatre dimensions où ils puissent se distinguer les uns des autres, comme les sphères de divers rayons dans notre espace euclidien. « L’analogie conduit » ainsi M. Lechalas « à concevoir les espaces à trois dimensions comme inclus… dans un espace à quatre dimensions[1]. »

Or cet espace sera nécessairement homogène, puisqu’il contient des figures semblables, à savoir les espaces non euclidiens eux-mêmes. Lors même qu’on ne considérerait qu’un seul espace non euclidien dont on ferait varier le paramètre, on serait obligé pour cela de l’enfermer dans un espace homogène à quatre dimensions, car la « majoration proportionnelle » d’un espace n’est possible, nous le savons, que dans un espace homogène. M. Lechalas a donc parfaitement raison de conclure que le principe de relativité est satisfait « par la doctrine d’ensemble de la géométrie générale », car cette doctrine est en somme une géométrie euclidienne à quatre dimensions.

Il n’en est pas de même de la géométrie non euclidienne, qu’il faut bien distinguer, d’après M. Lechalas lui-même, de la géométrie générale, dont elle n’est qu’un chapitre ou un « cas particulier ». Au lieu de considérer l’espace non euclidien comme du dehors, et de le comparer à ses « semblables » dans un espace homogène qui les contient tous, la géométrie non euclidienne l’étudie en lui-même et isolément ; et de même qu’il n’y a qu’une géométrie sphérique pour toutes les sphères de l’espace euclidien, il n’y a qu’une géométrie non euclidienne pour tous les espaces à courbure constante négative qu’embrasse la géométrie générale. Or, dans chacun de ces espaces, la majoration des figures est impossible, il n’y a pas de similitude sans égalité : la géométrie non euclidienne viole donc le principe de relativité. En résumé, ou bien on ne considère qu’un seul espace non homogène, et alors la loi de la relativité des grandeurs n’est pas satisfaite ; ou bien on considère plusieurs espaces non homogènes au sein d’un espace homogène d’ordre supérieur, et alors c’est celui-ci seulement qui vérifie le principe de relativité. De toute manière, l’homogénéité d’un espace est inséparable de la relativité des grandeurs dans cet espace.

M. Lechalas mêle à la question de la relativité de l’espace celle de l’indiscernabilité des mondes semblables, qui en est distincte. Il ne s’agit pas, pour nous, de savoir si deux mondes semblables sont ou non discernables, mais si deux figures semblables (inégales) peuvent coexister au sein d’un même monde. D’ailleurs, dès que l’on conçoit plusieurs mondes semblables, on est obligé, avons-nous dit, de les considérer comme des figures appartenant à un même monde, et de les faire ainsi rentrer dans un espace homogène d’ordre supérieur. La véritable question est celle-ci : Un espace non euclidien vérifie-t-il le principe de relativité ? Nous répondons : Oui et non. Oui, si l’on enveloppe l’espace en question dans l’espace homogène de

  1. Annales de philosophie chrétienne, oct. 1890.