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NOTE SUR LA GÉOMÉTRIE NON EUCLIDIENNE ET LA RELATIVITÉ DE L’ESPACE




Je remercie M. Georges Lechalas des bienveillantes critiques dont il a honoré mon article, et de l’occasion qu’il me fournit de l’éclaircir et de le compléter. Je connaissais déjà la théorie de cet auteur sur la relativité des grandeurs dans la géométrie générale[1] ; mais comme sur ce point je partage l’avis de M. Renouvier, tel que je l’ai résumé dans mon travail (I, § xiii), et que d’ailleurs je n’avais à exposer et à discuter que la théorie criticiste, j’ai dû passer cette question sous silence, et je n’ai pu tenir compte de la thèse de M. Lechalas. Les objections courtoises de ce savant m’obligent maintenant à me prononcer sur cette question, et à exposer les raisons pour lesquelles je n’ai pas cru pouvoir adopter son opinion, si spécieuse qu’elle soit. Je ne voudrais pas « laisser subsister quelque équivoque sur ce point » très délicat, mais aussi très important ; on m’excusera donc d’insister sur une difficulté à laquelle M. Lechalas reconnaît « une si grande portée philosophique », car, comme l’a dit M. Renouvier[2], « il s’agit d’une grande loi de l’univers dans ce point de géométrie ».

Je m’empresse d’ajouter qu’il n’y a pas, qu’il ne saurait y avoir entre nous le moindre désaccord touchant les faits mathématiques sur lesquels nous nous appuyons ; toute la divergence consiste dans l’interprétation philosophique que nous croyons devoir donner de ces faits. Encore les deux conceptions que nous opposons l’une à l’autre ne sont-elles contraires qu’en apparence, comme nous espérons le montrer ; elles ne sont séparées que par un malentendu que nous allons nous efforcer de dissiper. Rappelons d’abord brièvement les faits qui nous serviront de matière et d’argument, pour la commodité du lecteur et la clarté de la discussion.

Dans l’espace euclidien, c’est-à-dire dans la géométrie ordinaire, deux triangles qui ont leurs angles égaux chacun à chacun sont semblables, c’est-à-dire ont leurs trois côtés respectivement proportionnels.

Dans un espace non euclidien quelconque, c’est-à-dire dans la géométrie

  1. Revue philosophique, t. XXX (août 1890).
  2. Année philosophique, 1891, p. 45.