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pour quelques-uns des traits principaux, la marche de la métaphysique depuis les commencements jusqu’à nos jours. Les conceptions instinctives des premiers temps y reviennent (comme Vico l’avait dit), confirmées par les méditations des plus profonds penseurs. Les doctrines s’y retrouvent pareillement qu’émirent les plus grandes des religions. S’il en est ainsi, peut-être est-il permis d’en conclure qu’une époque s’approche où les esprits, encore si divisés, reconnaîtront que leurs dissentiments s’expliquent par les aspects différents des choses, selon les points de vue d’où on les considère, l’entendement, déjà plus philosophe que les sens, ne les envisageant guère, cependant, avec l’aide de l’imagination, que par des dehors, tandis que l’intelligence intuitive (l’intellection pure de Descartes), cherchant à les atteindre en leur intérieur, arrive dans la conscience sinon jusqu’à ce Saint des saints où habite la divinité, au moins jusqu’à un seuil d’où s’entrevoit la mystérieuse profondeur.


C’est une remarque de Pascal, que les hommes jugent bien, en général, de ce qu’ils voient, mais qu’ils ne regardent guère les objets que par certains côtés, selon leurs habitudes ou leurs passions. Le difficile est d’obtenir qu’ils les regardent par tous leurs côtés. Cela fait, ils s’accorderaient aisément.


Ajoutons, conformément à une autre observation de Pascal, un mot de réponse à une objection qu’on fait souvent, de nos jours, à la philosophie : qu’elle ne peut que proposer des hypothèses impossibles à démontrer, et pour lesquelles en conséquence on ne saurait obtenir un consentement général.

Les sciences particulières démontrent avec plus ou moins de force convaincante, selon la nature de leurs objets : mais c’est d’elles qu’il est vrai de dire qu’elles reposent sur des hypothèses, ou, comme disent souvent aujourd’hui les mathématiciens, sur des « conventions » indémontrables. En philosophie, en métaphysique surtout, on ne démontre pas, à proprement parler, non plus qu’on ne définit, ces procédés ne s’appliquant qu’à des objets complexes, et la métaphysique ayant un objet simple. Ce n’est pas à dire que les moyens y manquent d’établir le vrai. La méthode qui est propre à la philosophie pour établir les vérités, les vérités fondamentales, c’est, puisque l’intuition dans la conscience est ce qui lui fournit ce qu’elle cherche, d’obtenir de chacun, malgré la résistance des préjugés et