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le fini. Or c’est là la définition même du nombre ; l’un numérique est cette mesure de l’infini, cette quantité limitante, selon la formule donnée par Théon, et qui semble bien appartenir à la terminologie de Platon (περαινοσα οσότης, p. 28). C’est ainsi que la qualité se détermine comme quantité, que du moment de la logique pure, science des propriétés des idées en tant qu’idées, nous passons au moment de l’arithmétique, science des propriétés des nombres.

Musique. — C’est la 2e partie du livre de Théon ; et l’on éprouve quelque embarras sur la place à assigner à la musique dans la dialectique platonicienne. D’une part, dans la République, Platon, ébauchant un plan d’éducation par les sciences, rejette la musique au cinquième rang, après les deux géométries, plane et dans l’espace, après l’astronomie ; — il l’appelle harmonie, science des intervalles musicaux des sphères célestes, et il la définit, en termes précis, la science des mobiles, en tant qu’objets de l’ouïe, par contraste avec l’astronomie, science des mobiles en tant qu’objets de la vue. « Dans notre plan, écrit aussi Théon, les lois numériques de la musique (ή ὲν ὰριθμοὶς μουσικὴ) viendront immédiatement après l’arithmétique ; mais, d’après l’ordre naturel (πρὰς τὴν φύσιν), la cinquième place doit être donnée à la musique qui consiste dans l’étude de l’harmonie des mondes » (ὴ της τοῆ κόσμου άρμονίας μουσική) (p. 27). — D’autre part il est permis de se demander si la distinction que Théon semble établir ici pour la commodité plus grande de l’exposition n’est pas fondée sur la nature même de la science, et ne remonte pas à Platon lui-même. « Nous devons (ὰναγκαῖον), écrit encore Théon, donner à la musique mathématique la seconde place, après l’arithmétique, comme le veut Platon (κατ’ αὺτὸν τὸν Ηλάτωνα), puisqu’on ne peut rien comprendre à la musique céleste, si l’on ne connaît celle qui a son fondement dans les nombres et dans la raison (celle qui est objet du calcul et de la réflexion, ὲξαριθμουμένης καὶ νοουμένης). Le nombre entier, premier résultat de la combinaison de l’un et du multiple, ne suffit pas à « mesurer l’infini ». Il est discontinu, et l’on conçoit que le travail de combinaison du même avec l’autre se continue par l’insertion de moyens termes, non seulement entiers, mais aussi fractionnaires, par l’apparition de l’idée de rapport et de proportion. Or cela même est l’objet de la musique, non pas de la musique sensible, et non réfléchie, mais de la musique numérique. La musique est en dernière analyse une théorie des fractions ; et il semble que M. Dupuis ait tort, dans sa courte préface, d’écrire : « Les vingt-cinq paragraphes de la deuxième partie qui traitent des analogies, des quaternaires et des médiétés, seraient presque tous mieux à leur place dans la première partie ». Même en ce qui touche les quaternaires, nous serions tentés de maintenir que le plan suivi par Théon est conforme à l’esprit de la science platonicienne : souvenons-nous que, dans le Timée, Platon déduit le quatrième quaternaire, celui des corps simples, par l’insertion de deux moyens termes entre deux extrêmes[1]. Selon la tradition, Platon n’est-il pas l’inventeur de la méthode géométrique qui permet la solution du problème. L’insertion de moyens termes, voilà le

  1. Timée, 31 b.