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Poussons un peu plus loin, toujours dans l’hypothèse de la réalité de la connaissance (ici, évidemment, de la connaissance proprement dite de l’esprit par lui-même, puisque nous venons de repousser la connaissance objective), notre analyse ou plutôt notre observation par la conscience. D’après ce que nous avons exposé, on voit que la connaissance dite objective est constituée par un double état de conscience. Elle comporte : 1° l’état de conscience actuel (association d’idées ou de représentations constituant un jugement) ; 2° un état de conscience concomitant ou immédiatement uni, affirmant la possibilité de la répétition indéfinie de cette association sans obstacles durables. Ce second état de conscience, qui n’est pas un état à proprement parler, mais un acte de foi, consiste à placer le premier état en dehors du temps et du changement, dont le temps est le signe abstrait. En d’autres termes, la connaissance dite objective est une association d’états de conscience, fixée : elle représente, si l’on veut, un état du moi qui a atteint son point final d’évolution et est arrivé à la fixation, s’est mis en dehors des influences que d’autres états du moi (sensations, perceptions, représentations, émotions, etc.) pourront exercer sur lui. En tant qu’il connaît d’une connaissance appelée objective, le moi a perdu, relativement à la matière de cette connaissance, sa liberté (apparente ou réelle) de changement.

Cette dernière remarque nous permet d’apporter une plus grande précision à l’idée de la connaissance objective et d’énoncer cette définition, d’une rigueur que nous croyons satisfaisante : la connaissance objective est la création d’un type pour la formation des associations futures sur un point donné. Ce type a pour fin et pour effet que, à l’apparition dans la conscience du premier terme d’une association (qui avait déjà été formée antérieurement), se présentera nécessairement, immédiatement, à l’exclusion de tout autre, un certain second terme déterminé et prévisible. La connaissance est donc, à ce point de vue, une loi des événements du monde mental. Ainsi s’explique d’abord la prévision qui est un des caractères de la science et ensuite un autre caractère de celle-ci, qui rend possible le premier, à savoir l’affirmation des lois.

Car, et ceci est une nouvelle confirmation de la thèse générale de ce chapitre, on ne reconnaît pas, remarquons-le, de science de l’individuel. Or, si le vrai objectif est quelque chose, et quelque chose d’accessible à l’homme, posséder la vérité sur un objet individuel