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que la prétention serait contradictoire. Cependant, objectera-t-on, on distingue, et la distinction est très claire, une vérité objective et une vérité subjective : c’est une constatation de fait. Nous ne la nions pas, et cette distinction, nous la maintenons, toujours en nous mettant au point de vue de la thèse qui n’est pas la nôtre, la thèse de la Réalité de la connaissance. Voici comment : les mots « vérité objective » n’ont pas de sens si l’on entend par là un accord entre un état de conscience actuel et une chose ou un événement « extérieur ». Ils n’ont de sens que si I’ « objectif », l’ « extérieur » désignent non une chose externe à l’esprit, mais une représentation (ce mot pris dans le sens le plus compréhensif) externe à l’esprit au moment actuel, une représentation qui apparaîtra dans l’esprit à tout autre moment de la durée que ce soit. La vérité objective, c’est donc l’accord de l’esprit du moment actuel avec l’esprit d’un moment quelconque futur, sur un point donné. C’est ce qui la distingue de la vérité subjective qui est l’accord d’une pensée avec elle-même, c’est-à-dire un état de conscience non contradictoire, ou, en d’autres termes, l’accord de l’esprit du moment actuel avec lui-même à ce même moment ou au moment immédiatement subséquent (quand la pensée se réfléchit sur elle-même). Tel est le jugement : je sens du froid. Quand donc une connaissance sera-t-elle dite subjective, quand objective ? Une connaissance étant une association créée entre une idée et une ou plusieurs autres, la connaissance sera subjective quand cette association sera simplement d’accord avec elle-même, c’est-à-dire ne sera pas contradictoire ; et la connaissance sera objective quand l’association créée entre des états de conscience donnés sera d’accord avec le reste du contenu actuel de l’esprit et avec le contenu futur de l’esprit. On voit par là (soit dit en passant) que la connaissance objective comporte toujours comme élément essentiel un acte de foi, une prévision. Par le fait même, elle comporte toujours, comme les stoïciens l’avaient vu, un consentement donné par l’esprit. Ces conclusions qui résultent uniquement, croyons-nous, de l’observation sincère, par la conscience, de l’état où est l’esprit quand il connaît, suffisent à montrer que la connaissance n’est pas, comme le croyait l’ancienne psychologie, une contemplation passive, mais un acte du sujet, quel que soit ce que nous appelons sujet. Une sensation, une perception, une représentation ne sont pas je ne sais quels décalques de je ne sais quel « extérieur », ce sont choses sui generis, ne représentant qu’elles-mêmes.