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pénètre, pour ainsi dire, tout l’esprit jusque dans ses derniers éléments et dont le caractère essentiel est un apaisement, un calme souverain.

Or, à n’écouter que le témoignage de la conscience (et elle seule a droit de parler ici), nous ne trouvons dans le désir du vrai tel qu’il nous apparaît ici, dans ce cas où le phénomène a toute son intensité, nous ne trouvons, dis-je, aucune autre tendance qu’une tendance égoïste au bien-être mental. Il n’y a rien ici de ce caractère désintéressé et même altruiste que l’on semble généralement lui octroyer. Or si cet état en quelque sorte aigu du désir du vrai que nous présente le doute caractérisé constitue un cas privilégié où la conscience nous apprend elle-même ce que nous entendons réellement par le vrai, nous n’avons cependant aucune raison de croire que ce cas privilégié au point de vue de la recherche soit un cas unique, exceptionnel et que le désir du vrai qu’il manifeste soit d’une nature différente de celui qui, conscient ou subconscient, provoque en nous, dans chaque cas, la recherche de la science. Qu’il y ait une différence d’intensité, soit : mais l’essence doit être la même. Par conséquent le témoignage de la conscience nous permet dès maintenant d’écarter deux autres interprétations que l’on donne, explicitement ou non, du besoin de vérité spéculative chez l’adulte.

Il y a d’abord l’interprétation qui consiste à le représenter comme une sorte d’amour pour les choses, comme un désir de doubler leur vie en leur créant une vie dans l’esprit. Erreur séduisante, qui nous empêche de reconnaître ce qui la ferait disparaître, à savoir que, la plupart du temps, la conscience attentivement écoutée témoigne que la chose à connaître n’est pas le but de notre effort mais en est seulement la cause occasionnelle ; le vrai but étant le repos et le bien-être mental. D’ailleurs, ici, il suffit de rappeler quel est réellement le but avoué de la science. Tout le monde est d’accord pour proclamer que la science a pour but d’établir les lois des phénomènes. Connaître le mercure, par exemple, ce n’est pas le connaître en lui-même, c’est connaître les rapports invariables qu’il assume avec le reste du Cosmos. La science ne connaît pas les essences des choses — elle s’interdit toute recherche à cet égard, — mais leurs rapports. Du reste, ces rapports eux-mêmes, rien ne nous assure — tout au contraire — qu’ils ne soient pas fortement entachés de subjectivité.

Mais à côté de l’interprétation du désir du vrai comme étant une