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remarquer qu’on ne peut parler ici de relation que pour chaque élément du soi-disant composé artificiellement séparé par l’analyse, et non pour le composé, car celui-ci, en lui-même, c’est-à-dire quand il n’est pas réfléchi et vu composé, est simple, conscience en tant que conscience impliquant simplicité. S’il est composé, ce n’est pas pour lui-même, mais pour un autre état de conscience qui, par une illusion nécessaire, croit qu’il renferme la perception d’une chose extérieure à lui-même, en tant qu’extérieure.

D’où il suit encore une fois que tout représentatif est relatif aussi dans ce second sens, et que la thèse de M. Renouvier est juste, mais qu’il faut avoir soin de la compléter par les mots : « pour la connaissance », en distinguant soigneusement ce terme du mot conscience. En tant que simple et primitif état de conscience, un représentatif, quelque composé et relatif que la réflexion mentale le fasse paraître ensuite, est en soi.

Singulière, la condition de l’homme, puisque, au moment où il reconnaît l’existence de l’en-soi, il doit reconnaître aussi que cet en-soi lui est insaisissable. Ce Tantale sait que sa vie mentale n’est autre chose, dans ses profondeurs mystérieuses, qu’un flux incessant de choses en soi ; mais, quand il veut être et sentir un de ces absolus, il constate que c’est précisément parce qu’il veut et tente que la tentative est condamnée à un inéluctable échec. Et c’est cette réalité profonde et ultime, réalité chimérique à jamais pour l’ « esprit humain », que tant de métaphysiciens ont poursuivie, ne sachant pas que leur poursuite même, leur poursuite seule, était et serait toujours ce qui les empêcherait de la saisir. Et, ironie — qui ne peut être ironie que pour notre courte vue des choses, — ces esprits, dont quelques-uns furent sublimes et s’élevèrent aux ultimes hauteurs de la pensée, s’éloignaient plus du but que l’humble pensée spontanée, non réfléchie, la pauvre pensée passive et résignée qui se laisse être ce que l’ordre éternel veut sans doute qu’elle soit, qui se laisse être absolue, mais ne le sait pas. Ne le sait pas, dis-je, et voilà précisément ce qui justifie la recherche noblement infructueuse de l’esprit humain. Car, après cette recherche qui le conduit à reconnaître une limite infranchissable à sa radicale impuissance, il sait, à n’en plus douter, que la science dont il était si vain n’est qu’une chimère, une chimère qu’il a créée de son propre fonds depuis le jour où, dans l’orgueil d’une pensée humaine, est apparue, avec l’idée d’un moi, la possibilité et ensuite la nécessité de la Réflexion. Et l’homme, qui