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gination, et qui, en attendant des recherches plus profondes, défendent la pensée des entreprises du matérialisme.

Les sciences et les arts ont à peine repris les voies où avait marché l’antiquité, que Descartes vient poser dans le sens intime, où l’esprit s’aperçoit de sa propre activité, la base sur laquelle s’élèvera à nouveau, plus solide, l’édifice de la philosophie première, y montrer présente l’idée, qui en éclaire le fond, de la divine perfection, et dans cette idée le type de toute vérité, le critérium de toute certitude, la règle supérieure de toute science.

À une période plus avancée encore il sera réservé de faire voir comment tout ce que contient l’âme, tout ce que déploie la nature n’est qu’imitation plus ou moins prochaine ou éloignée, manifeste ou obscure, des perfections divines.

En même temps qu’il faisait de la pensée consciente d’elle-même le foyer visuel, en quelque sorte, où devait se placer pour rendre raison des choses la philosophie, Descartes commençait de faire entrevoir comme la source profonde de la pensée elle-même la volonté, de la volonté procédait le jugement.

Presque aussitôt, pénétré d’une religion qui identifiait l’amour et le divin, Pascal signalait comme faisant le fond et de l’intelligence dans ce qu’elle a de plus éminent et surtout de la volonté cette source des affections qu’on appelle le cœur. Dans l’intelligence, après tant de raisonnements que l’on voudra, tout revient, disait-il, au sentiment. C’est ce qu’avait enseigné en d’autres termes Descartes, lorsqu’il expliquait que la démonstration ne faisait en définitive que préparer une intuition. — À plus forte raison le cœur fait-il le fond de la volonté. Les choses intellectuelles forment un monde supérieur à celui des choses sensibles. Les choses du cœur en forment un troisième qui surpasse de même les choses intellectuelles. De combinaisons de la matière on ne fera jamais sortir une pensée ; de combinaisons intellectuelles on ne fera pas sortir un mouvement de charité : « cela est d’un autre ordre ».

Le troisième et supérieur ordre de choses est celui auquel s’attachaient les mystiques : c’est un ordre de choses mystérieuses.

Descartes déjà avait noté l’incompréhensibilité des choses divines. Ce n’est point, disait-il, que la lumière y manque ; c’est qu’elle est trop vive pour notre vue. Aristote ne remarquait-il pas déjà que nous sommes, en présence d’une clarté trop vive, comme l’oiseau de nuit en la présence du jour ?