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d’où leur vient la lumière et la force ; intelligence qui, par cela même, met en elles la divine immortalité.


Après Aristote, la civilisation grecque incline vers sa décadence. On ne regarde plus aussi haut. Le Stoïcisme ne veut plus rien admettre qui dépasse entièrement la sphère du visible. Son Dieu est raison, mais il est feu aussi ; au lieu de l’action pure, c’est une tension physique de ce feu primordial qui se détend pour devenir, en une série graduellement descendante d’épaississements progressifs, air, eau et terre, puis, après avoir donné ainsi naissance à tous les êtres, revenir graduellement à son état originel. C’est ce qu’ils appellent l’« économie » ou « dispensation » ; expression qu’appliquera à l’incarnation divine la théologie chrétienne.

Aux derniers siècles de l’antiquité, né sous l’influence d’une théosophie judaïque et chrétienne où dominait l’idée de la divinité se donnant, sans sortir de son immutabilité essentielle, aux créatures, un nouveau Platonisme vient tenter d’incorporer au système platonicien les théories qu’avaient proposées à son encontre l’Aristotélisme et le Stoïcisme. Au premier principe il attribue une faculté de développement dont le platonisme n’avait rien dit, et il le fait s’avancer, pour ainsi dire, hors de sa primordiale unité, sans en sortir pourtant (προήλθεν καὶ οὐ προήλθεν), unissant ainsi dans son identité, quoique y répugne l’humain entendement, deux états opposés. Par là le Néoplatonisme accuse plus fortement que ne l’avaient fait les systèmes antérieurs la nature mystérieuse du premier principe dépassant tout notre pouvoir de connaître ou au moins de comprendre, et fraie ainsi le chemin et au mysticisme du moyen âge et aux théories, voisines de ce mysticisme, qui placeront plus haut encore que l’intelligence la volonté et l’amour.


Au moyen âge, l’École ajoute peu à ces progrès, et durant de longs siècles l’entendement, peu attentif aux choses de la nature, renouvelle l’ancienne entreprise d’ériger en principes des abstractions personnifiées, produits trompeurs de l’art logique. Le « réalisme » y domine qui, faisant de simples notions des réalités, prend, selon le mot de Leibniz, la paille des termes pour le grain des choses. Pourtant la tradition s’y conserve, sous la double influence de la philosophie péripatéticienne et de la théologie chrétienne, d’un recours tel quel à des principes qui dépassent l’horizon des sens et de l’ima-