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les sensations proprement dites le sont pour d’autres, et ils se distinguent de leurs idées, en tant qu’objets affirmés, aussi nettement que les objets extérieurs des leurs, et pour la même raison.

Faut-il remarquer à ce propos que l’on a essayé quelquefois d’expliquer la distinction de l’expérience externe et de l’expérience interne ? On a tenté de montrer comment nous sortons par degrés de nous-mêmes, comment nous en venons peu à peu à nous opposer au monde sensible, à discerner ainsi le dehors du dedans, ce qui ne nous appartient pas de ce qui nous constitue. C’était une tâche impossible. En fait, nous avons primitivement deux genres différents d’expérience, « et nous n’existons nous-mêmes qu’en nous distinguant de toute autre chose ». Cette distinction est une condition même de l’expérience, bien loin d’en être le résultat ; elle est un fait primordial et n’est susceptible ni d’être dérivée ni d’être expliquée.

Mais le fait même de distinguer dans les objets de nos idées ce qui nous est propre et ce qui nous est étranger, prouve clairement l’unité du sujet. Propre et étranger, comme dedans et dehors, sont en effet des notions purement relatives qui expriment un rapport à une unité commune. C’est évidemment la conscience ou le sujet qui fournit le terme de comparaison. On ne peut donc pas, pour cette raison même et pour celles que fournirait également l’étude des diverses opérations dites de l’esprit, considérer les idées comme des atomes spirituels qui se rapprochent et se combattent d’eux-mêmes : ce sont des actes du sujet connaissant. Par les mots activité ou spontanéité, on entend l’intervention efficace d’une unité dans la multiplicité successive des phénomènes ; il est impossible de ne pas reconnaître une pareille intervention efficace d’une unité dans la multiplicité successive des phénomènes ; il est impossible de ne pas reconnaître une pareille intervention dans le jugement et le raisonnement. On est ainsi conduit à penser que les lois du sujet connaissant sont différentes des lois des objets qui se présentent à lui. Celles-ci, y compris même les lois de l’association des idées, sont des lois de nature physique, mais non pas celles sur lesquelles reposent et la croyance dont nous avons parlé comme étant l’essence même des idées, et, à plus forte raison, nos convictions scientifiques et morales.

Quelle que soit la différence des idées qui constituent en se combinant suivant leurs lois propres le sujet, et les sensations de toutes