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ments contre le mouvement. C’est à ses yeux parce que Zénon nie la pluralité qu’il nie le mouvement. Mais son interprétation laisse toujours supposer que la négation du mouvement est le but d’une partie de sa dialectique au lieu d’être un moyen. » Il est bien vrai que selon moi Zénon nie le mouvement parce qu’il nie la pluralité, et j’ajoute qu’il nie la pluralité parce qu’il nie le non-être. Mais en établissant un lien logique entre ces différentes thèses, je n’ai jamais voulu les confondre ou les absorber en une seule. C’est bien le mouvement en lui-même que nie Zénon, le mouvement sous toutes ses formes, le mouvement des phénomènes élémentaires aussi bien que le mouvement de l’Univers pris dans son ensemble. C’est l’interprétation classique de la théorie éléatique, et je m’y tiens. L’interprétation proposée par M. Tannery et reprise par M. Milhaud, selon laquelle l’immobilité de l’être, affirmée par Parménide, serait affirmée de l’Univers pris dans son ensemble, du monde, qui, selon l’expression de l’Éléate, a la forme d’une masse sphérique, arrondie de tous côtés, me paraît tout à fait inadmissible. Elle est contraire à l’opinion de toute l’antiquité : ce n’est pas la négation de la révolution diurne que Diogène le Cynique prétendait réfuter en marchant. Mais surtout elle est contredite par les textes de Platon dont il ne me semble pas que M. Tannery et M. Milhaud aient tenu un compte suffisant, et qui ont incontestablement, dans la question qui nous occupe, la valeur d’une source de premier ordre. Dans le Sophiste, 248, A, quand Platon revendique pour l’être absolu (τῷ παντελῶς ὄντι) le mouvement, la vie et la pensée, il ne s’agit apparemment pas de la rotation de l’Univers. Et si ce passage vise surtout les Mégariques, on sait assez que sur la question du mouvement, Mégariques et Éléates étaient d’accord : il y a d’ailleurs dans le contexte un passage qui semble bien se rapporter à la méthode de Zénon (246, B, τὰ ἐκείνων σώματα … κατά σμικρὰ διαθραύοντες ἐν τοῖς λόγοις). Mais surtout dans le Théètète (180, D), nous voyons Platon opposer à la théorie de Parménide et des Éléates comme son contraire la doctrine d’Héraclite et de Protagoras. Or, quand Héraclite et ses disciples soutiennent que rien n’est en repos, que tout est en mouvement, il ne s’agit pas du mouvement de l’Univers pris dans son ensemble, mais bien, comme le prouve toute la discussion, du mouvement des parties élémentaires, de la sensation, des qualités des corps, de tous les êtres, et de tout ce qui devient (Théèt., 152, D. ἐκ φορᾶς τε καὶ κινήσεως καὶ κράσεως πρὸς ἂλληλα γίγνεται πάντα, cf. 181, B). À cette affirmation que tout est mou-