Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condition indispensable de la déduction et, d’autre part, que la synthèse est nécessaire pour déduire l’être. Or la synthèse et l’analyse étant séparées dans ce cas, ils les juxtaposent d’une façon arbitraire. En fait, ils emploient la déduction analytique qu’ils matérialisent, en donnant à leurs formules une signification symbolique. On l’a fait observer bien souvent pour Hegel. Mais les philosophes les plus sagaces et les plus prudents n ont pas évité ce défaut. La déduction que M. Lachelier a proposée des trois dimensions de l’espace n’est que symbolique. Lorsqu’on a montré, par exemple, que la ligne droite représente le mouvement abstrait de la pensée de l’antécédent au conséquent, on n’a pas déduit la ligne droite, on a montré qu’elle est le symbole d’une réalité plus profonde ; et l’on ne peut pas dire que le symbole soit déduit, à proprement parler, de la chose symbolisée, il y a simplement entre eux un parallélisme. Que l’on dise, si l’on veut que les formes de la nature sont parallèles aux formes de la pensée. Elles n’en restent pas moins posées à titre de faits. Laissons donc le symbolisme aux poètes, mais n’espérons pas y trouver une méthode philosophique. C’est qu’en effet il laisse une trop grande place à l’arbitraire : il n’est qu’une transposition d’un thème original, qu’on accommode, aussi bien que l’on peut, à une réalité connue après coup. Là est peut-être la source de ces constructions imaginatives de la scolastique où l’imagination avait pris la place de la pensée.

Pour terminer, nous demanderons la permission de définir le sens de la tentative de M. Dunan. D’une part, il n’admet pas les conclusions de l’idéalisme absolu (philosophie transcendante – finalisme concret) ; d’autre part, la philosophie législative (point de vue transcendantal et abstrait), qui oppose le contenu et la forme, ne lui a pas paru satisfaisante : il a essayé de les concilier ; la solution est donc transcendantale, puisqu’il renonce à l’idéalisme absolu, mais elle est concrète, puisqu’il se propose d’atteindre la synthèse réelle. C’est un transcendantalisme concret. Mais peut-être y a-t-il là une sorte de contradiction. Dans le transcendantalisme de Kant, la pensée et l’expérience ne s’accordent qu’en fait ; l’explication de ce fait n’est pas possible ; et c’est pour cela même que la pensée n’a qu’une valeur transcendantale. En dehors de notre science une réalité reste possible, à laquelle s’attacheront notre conscience morale ou nos espérances religieuses. M. Dunan semble accepter ces conclusions ; mais, d’autre part, il croit saisir une synthèse réelle, la réalité absolue de la vie. Pour emprunter, encore, le langage de Kant, il donne un contenu au noumène, il en fait le vivant, qui remplit de son action le temps et l’espace. Il se ferme donc cet au-delà, ouvert à notre conscience par la philosophie transcendantale. Si notre pensée est d’accord avec l’être dès maintenant, il n’y a plus place pour cette opposition du réel et de l’idée, qui est la condition du devoir. Nous ne voulons pas dire que cette opposition soit une raison pour renoncer à la métaphysique transcendante. Il faut seulement montrer que notre pensée doit faire une place à côté du principe synthétique, qui unit essentiellement la pensée à l’être, pour un principe différent, le principe de la logique transcendantale et analytique. Il s’agit moins, en philosophie, de construire un système, qui satisfasse au besoin de symétrie de l’imagina-