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là pour eux une gêne extrêmement fâcheuse sans doute, un scandale logique, comme on l’a dit. Mais, pour ne pouvoir expliquer cette exception, ils ne s’en tenaient pas moins à leurs conceptions générales.

Il doit vous sembler comme à moi que ces conceptions jettent un jour fort clair sur la fameuse formule — « les choses sont nombres » — appliquée au moins aux choses géométriques. Mais croyez-vous qu’au temps de Pythagore on sentît le besoin de séparer les figures géométriques et les corps de la nature ? La distinction entre le domaine purement abstrait et le domaine concret ne se fait pas encore. Elle va nous apparaître sous une forme un peu vague, et envisagée du point de vue de la certitude, dans Parménide : mais que nous sommes encore loin, je ne dirai pas seulement de nos conceptions modernes à cet égard, mais même de la manière de voir d’Aristote ! Ainsi, messieurs, dire : « les figures géométriques sont nombres » ou « les corps qui remplissent l’Univers sont nombres », cela ne faisait qu’un pour Pythagore.

Mais ce n’est pas tout. S’il avait pu y avoir dans son esprit quelque tendance à distinguer les êtres géométriques et les choses sensibles, ne devait-il pas trouver, de ce dernier côté aussi, de quoi confirmer merveilleusement la généralité de sa formule ? D’abord Pythagore a fort bien vu que les circonstances du mouvement diurne et les apparences du mouvement des planètes pouvaient s’expliquer par des combinaisons de mouvements circulaires et uniformes, et il légua à ses adeptes ce problème qui fut résolu dans certaines limites au ive siècle par Eudoxe de Cnide. Voilà donc, aux yeux de Pythagore, les mouvements des corps célestes ramenés à des questions de géométrie, exprimés donc et expliqués par des nombres.

Enfin et surtout, faut-il dire peut-être, c’est à Pythagore que la tradition fait remonter les premières observations mathématiques sur les sons. Iamblique raconte que Pythagore entendant des forgerons frapper un morceau de fer sur une enclume, et reconnaissant dans les sons les intervalles de quarte, de quinte et d’octave, eut l’idée de peser les marteaux dont ils se servaient. Il aurait trouvé alors que celui qui rend l’octave en haut était la moitié du plus pesant ; que celui qui faisait la quinte en était les deux tiers, et celui qui donnait la quarte, les trois quarts. Rentré chez lui, il aurait fixé une extrémité d’une corde et suspendu à l’autre des poids proportionnels à ces nombres : la corde aurait alors rendu des sons for-