Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE CONCEPT DU NOMBRE
CHEZ LES PYTHAGORICIENS ET LES ÉLÉATES



La science se fonde et s’est toujours fondée sur les faits observés : c’est leur explication qu’elle se propose. Certes les méthodes d’observation et d’expérimentation ont acquis de nos jours une rigueur inconnue des anciens, mais quelque chose n’a pas changé, c’est le procédé par lequel, pour atteindre à une explication scientifique, l’esprit substitue aux données des sens des concepts dont il élabore lui-même le contenu, et qui lui servent à construire des théories.

C’est l’expérience qui les lui suggère, en ce sens qu’ils se présentent comme devant fournir une expression claire de certains faits connus. S’ils s’adaptent ensuite aisément à l’explication de phénomènes nouveaux, ils tendent à prendre droit de cité dans la science.

Est-ce à dire que celle-ci va proclamer alors l’idée adéquate à la réalité ? Allons-nous apprendre par les vérifications expérimentales que notre intelligence a saisi sur le vif un élément essentiel des choses ? — Avouons-le, c’est peut-être parce que les hommes de génie l’ont instinctivement pensé que leur œuvre scientifique a été durable. Cependant, si naturelle que soit leur illusion, et quelque penchant que nous ayons à la partager, nous ne devons pas nous y tromper. Les faits qui s’accordent avec nos théories sont pour elles non pas la preuve de leur vérité, mais leur justification : ils ne confirment pas l’existence dans les choses d’un principe nouveau, ils sont la raison d’être d’un nouveau langage.

Au surplus, un concept ne parvient pas du premier coup à la forme définitive sous laquelle il entrera dans la langue scientifique pour atteindre son maximum d’utilité. L’idée se dégage d’abord avec peine d’une sorte de gangue concrète qui l’enveloppe. On sent