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liberté, c’est la cause certaine de ce que l’Être produit par lui-même. Dès que le désir est compris, non comme un penchant désordonné, mais comme la puissance de vivre, dès que la loi est comprise, non comme un commandement extérieur, mais comme l’expression de l’essence des choses, il n’y a plus opposition, il y a unité absolue du désir et de la loi : le désir, c’est la loi interne de l’individu ; la loi, c’est le désir devenu conscient de lui-même et de sa vertu interne. Dès que Dieu est compris, non comme un bien exemplaire qui se propose ou s’impose de loin, mais comme la puissance infinie qui produit d’elle-même et qui soutient immédiatement les êtres, dès que la nature est comprise, non pas comme une force indépendante ou révoltée, mais comme le système des êtres qui tiennent intimement à la raison souveraine de leur existence, il n’y a plus opposition, il y a unité absolue de la nature et de Dieu : Dieu, c’est la nature ramenée à son principe d’intelligibilité génératrice ; la nature, c’est Dieu qui s’exprime en des êtres singuliers. L’unité ainsi reconstituée, aperçue désormais partout où il y avait contradiction et lutte, n’est pas le résultat d’opérations extérieures et abstraites ; c’est le fruit de l’âme raisonnable qui a concilié en elle toutes ses puissances et qui jouit pleinement de son œuvre qu’elle sent bonne. Et la vie qui s’est élevée jusque-là est vraiment inattaquable ; elle a rejeté d’elle toutes les négations, intérieures ou extérieures, pour se constituer en une ferme et inébranlable affirmation : c’est la vie de l’homme libre.

Cependant l’homme peut faire mieux que se comprendre par la vérité commune à tous les hommes ; il peut s’affirmer lui-même comme une vérité et dire de lui-même : je suis ma vie. C’est par la pure intuition de son essence, c’est en rapportant tout son être, comme une Idée, à la Pensée divine, qu’il opère cette œuvre de résurrection. Ou plutôt, il n’y a pas proprement de résurrection, parce qu’il n’y a pas de mort ; la vie, qui peut seule être affirmée, exclut toute conception positive du néant : elle se constitue par elle-même sans que la mort lui serve d’instrument ou de condition. L’opposition de la vie et de la mort est relative à la sensibilité, qui compare ce qui apparaît et ce qui cesse d’apparaître ; mais ce qui simplement apparaît n’est pas plus réel au fond que ce qui cesse d’apparaitre : c’est toujours dans le néant que la sensibilité figure l’existence. Rien ne peut restreindre ni altérer cette ineffable affirmation de soi qui engendre tout être ; loin d’être seulement le terme de notre action, elle est notre action même dans son immuable actualité. Notre vie