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est beaucoup plus complexe et plus embarrassant que le premier. C’est ce que nous allons essayer de montrer. Concevons une droite limitée. Cette droite peut être divisée en deux parties qui l’une et l’autre sont homogènes à la droite primitive. Celles-ci à leur tour peuvent être partagées en deux, et cela indéfiniment. La somme de toutes les parties qu’on peut considérer dans la droite est donc infinie, et leur sommation ne saurait jamais être effectuée. En conclurons-nous que la droite totale ne peut être donnée ? Il est facile d’écarter une telle conclusion. Les parties de la droite sont innombrables et leur addition impossible ; sans doute, mais elle n’est nullement nécessaire pour que la droite soit donnée. Celle-ci existe d’abord tout entière, effectivement indivise. Nous la pouvons concevoir divisée et divisée selon une certaine loi ; mais les parties que la division nous donne ne préexistaient pas un tout. Il ne s’est pas constitué par leur juxtaposition. La division n’est pas ici une régression logique du conditionné à ses conditions. En un mot, le tout n’est pas donné par les parties, mais avant elles, et ce sont plutôt celles-ci qui existent par le tout.

La difficulté propre de la dichotomie et de l’Achille, c’est qu’on ne saurait, semble-t-il, appliquer au mouvement ni au temps les considérations qui valent pour l’étendue. Les parties de celle-ci sont toutes données ensemble ; les phases du mouvement et les époques de la durée n’existent que l’une après l’autre. Par suite, le tout qu’elles constituent ne peut être conçu comme préexistant à ses parties. Il semble être à leur égard toujours un conditionné. Entre elles et lui, le rapport inverse paraît inintelligible. Comment les parties pourraient-elles être dites exister par le tout, puisque le tout n’existe qu’après les parties ? C’est là, croyons-nous, que réside la véritable difficulté de la question et c’est pour ne pas l’avoir nettement aperçue que tant d’auteurs ont échoué dans leurs tentatives de réfutation.

Il semble qu’une quantité ne puisse être donnée que de deux manières : ou tout entière à la fois, ou par fractions successives. Pour le mouvement comme pour le temps, la première supposition est évidemment insoutenable et Zénon démontre qu’on ne saurait admettre la seconde. Mais est-il bien vrai qu’on n’en puisse concevoir une troisième ? Un examen attentif des deux hypothèses opposées, au delà de leur contradiction apparente, nous révèle leur foncière identité. En effet les parties que nous réunissons pour former un tout