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apparaît comme un accident de la figure, mais seulement en tant que lieu déterminé, non comme lieu en général. Il y a plus : on ne peut concevoir le lieu du mobile comme entièrement indéterminé, car cela équivaudrait à poser l’identité immédiate de toutes les figures égales. Il faut admettre un moyen terme entre la détermination univoque et l’indétermination absolue. Les lieux occupés par le mobile doivent être donnés les uns par les autres et se conditionner d’après une certaine loi. Ils doivent apparaître comme les déterminations particulières d’une même déterminabilité générale. Celle-ci, appartenant à l’espace, ne peut être qu’une figure. Pour le point, c’est la ligne qu’on appelle sa trajectoire.

Si donc le mouvement n’est pas précisément une donnée empirique, pas plus d’ailleurs que l’espace, il est au même titre que celui-ci un élément constitutif du concept d’un fait empirique en général. Aucun fait ne peut être posé si l’on nie le mouvement. En ce sens le mouvement est lui-même un fait, le plus général et le plus certain de tous. Nous ne pouvons, par suite, nous rallier aux conclusions de Zénon sans tomber par cela même dans un scepticisme universel. La seconde partie de son argumentation nous semble tout à fait inattaquable. D’ailleurs l’hypothèse contre laquelle elle est dirigée renferme dans son simple énoncé des difficultés à notre avis insurmontables. C’est donc dans les arguments de la première série, la dichotomie et l’Achille, que doit se cacher quelque paralogisme.

L’infinie divisibilité de l’étendue conduit Zénon à déclarer le mouvement impossible. N’en pourrait-on conclure plus directement l’impossibilité de l’étendue elle-même ? En fait, Zénon, d’après Simplicius, dirigeait contre l’existence de la quantité continue et divisible un argument comparable de tout point à la dichotomie. Il est vrai qu’il se proposait moins de contester la réalité de l’étendue que sa divisibilité. Au point de vue ontologique où se plaçait l’Éléate, celui de la réalité substantielle de l’étendue, son raisonnement est loin d’être sans valeur. On pourrait, par exemple, l’opposer à la théorie cartésienne de la matière. Toutefois les mathématiciens ne s’en sont jamais préoccupés. Jamais il n’a soulevé de controverses comparables à celles qu’a suscitées l’Achille. Il n’est guère de philosophes qui aient cru voir dans la divisibilité inhérente à l’étendue une contradiction intrinsèque, destructive de ce concept. C’est que, malgré les premières apparences, le cas de l’étendue et celui du mouvement sont loin d’être identiques. En réalité le second