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se détacher de lui-même et se confondre avec tout autre corps de même figure et de même grandeur. En fait, pour le géomètre, toute figure est en un certain sens une et multiple. Elle représente en effet tour à tour une figure unique et une multiplicité indéfinie de figures égales superposées et confondues, mais pouvant au besoin être distinguées et même effectivement séparées.

On nous objectera peut-être que la mobilité n’appartient réellement qu’aux corps physiques, que l’expérience seule nous la fait connaître, et que, par une fiction, légitime seulement à la condition de ne pas être poussée à ses extrêmes conséquences, nous l’attribuons aux figures géométriques. Mais si le corps physique est mobile, n’est-ce pas uniquement en tant qu’étendu. Ce n’est point évidemment en tant que coloré ou résistant. Sa couleur, sa résistance et ses autres qualités sensibles ne participent au mouvement que par accident. Seule son étendue est véritablement mobile. Si elle ne l’était pas en soi et par essence, elle ne le deviendrait point par son union avec des qualités radicalement étrangères du mouvement. La mobilité géométrique prend dans l’expérience la forme de la mobilité physique, et pour concevoir la première, le géomètre doit, par un effort d’abstraction, la dégager de la seconde. Néanmoins la seconde n’est véritablement intelligible que par la première, et, en l’y ramenant, l’abstraction du géomètre ne fait que mettre en lumière sa condition essentielle.

Ainsi l’extériorité et l’intériorité s’impliquent réciproquement et ne peuvent se concevoir que l’une par l’autre. Elles ne peuvent cependant être immédiatement identifiées. Si l’une des deux est actuelle, l’autre ne saurait être que virtuelle. De l’une à l’autre il doit y avoir un passage. Deux figures égales peuvent être d’abord séparées puis confondues, mais non l’un et l’autre à la fois. Supposons-les d’abord séparées ; pour qu’elles arrivent à se confondre, il faudra que l’intervalle qui les sépare disparaisse. Mais cet intervalle nous est donné comme une quantité, il est plus ou moins grand et les figures sont plus ou moins éloignées. Si la suppression de cet intervalle se faisait d’un coup, s’il devait s’évanouir instantanément tout entier, il perdrait par cela même sa détermination quantitative. Il doit donc être supprimé par un processus continu qui est précisément le mouvement. Le mouvement est cette détermination de la figure par laquelle celle-ci se distingue de son lieu ou, si l’on préfère, se sépare en tant que mobile d’elle-même, en tant que lieu. Dans le mouvement, le lieu