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devant la témérité du geste, renonce à la philosophie. La conclusion de ces pages originales et opportunes est donc que sceptiques, écossais et pragmatistes, esprits dont M. Dauriac signale avec profondeur l’étroite parenté, se sont arrêtés immédiatement avant d’avoir abordé le problème de la philosophie.

L’Année psychologique. Seizième année, 1910. 1 vol. in-8 de ix-500 p., Paris, Masson et Cie. — En dehors des analyses bibliographiques, signées de MM. Beaunis, Bovet, Larguier des Bancels, Maigre, Stern, le nouveau volume ne contient qu’un article auquel M. A. Binet n’ait pas collaboré, ce sont les Recherches Tachistocopiques de M. B. Bourdon, compte rendu précis d’expériences sur les impressions visuelles de couleurs, de grandeurs et de formes, qui prouvent de nouveau la possibilité, déjà établie par divers expérimentateurs, d’étudier par la méthode tachistoscopique associée a celle des temps de réaction la durée d’opérations psychologiques relativement complexes. Sous ce titre, le Diagnostic judiciaire par la méthode des associations, M. Binet montre judicieusement, par l’analyse d’expériences américaines, quelle est la portée limitée des espérances fondées sur le diagnostic mental pour la discrimination des coupables et des innocents. Le mémoire sur Rembrandt (de A. et A. Binet) a pour but de préciser un nouveau mode de critique d’art, fondé sur la considération des procédés techniques. Les impressions dominantes que provoque la peinture de Rembrandt sont des impressions de distance, d’unité, de lumière ; le procédé qui les produit a ces deux caractéristiques, d’éviter à la fois les valeurs de clarté maxima et les contrastes violents : pour Rembrandt, concluent A. et A. Binet, tout objet éclairé se comporte comme un objet éclairant qui penètre de ses rayons les ombres voisines et contribue ainsi à nous donner la sensation de la vraie lumière.

Dans le premier mémoire du recueil : les Signes physiques de l’Intelligence chez les enfants, M. Binet revient, pour les « mettre au point », sur les recherches céphalometriques qu’il avait longuement exposées dans les Années antérieures. Il montre comment on aboutit à des propositions vraies dans la majorité des cas, qui ont une portée scientifique si l’on répète avec Aristote qu’il n’y a de science que du général, mais qui dans la pratique laissent subsister un coefficient « formidable » d’erreur ; elles peuvent servir de confirmation, mais non de base, au diagnostic individuel. « Tous ces travaux de statistique sur les signes physiques de l’intelligence nous inspirent surtout, écrit M. Binet en terminant, une pensée de réserve, de prudence, nous dirions même de bonté. »

Cette conception du général sert d’introduction aux huit mémoires signés de MM. Binet et Th. Simon qui constituent un véritable traité sommaire mais complet sur la psychologie de l’aliénation mentale et donnent à ce volume de l’Année un intérêt exceptionnel. Mais ici la conception du général se trouve heureusement modifiée ; c’est une conception synthétique et moderne où le général s’oppose non plus au particulier, mais au partiel. Pour MM. Binet et Simon, on ne comprend vraiment l’état mental des aliénés, et pratiquement on n’est capable d’arriver à un diagnostic différentiel, qu’à la condition d’étudier l’esprit de l’aliéné dans sa totalité et de situer cette étude globale dans l’ensemble des recherches sur l’aliénation. Jusqu’ici les aliénistes ont étudié avec soin les symptômes particuliers de chaque affection ; MM. Binet et Simon attirent leur attention sur la nécessité de considérer la réaction du malade vis-à-vis de ces symptômes, et surtout de composer entre eux les différents modes de réaction. Chacune des monographies consacrées par MM. Binet et Simon aux différentes modalités de l’aliénation, aboutit, après historique, discussion des théories, analyse critique d’observations, à une définition d’attitude spécifique. Ainsi l’hystérie sera caractérisée par une séparation de conscience ; la folie avec conscience (où rentrent les déséquilibrés de Magnan et les psychasthéniques de Pierre Janet), par un état mental de conflit ; la folie maniaque-dépressive (terminologie de Kræpelin), par le fait que les accidents d’excitation ou d’apathie dominent complètement le malade ; la folie systématisée, par la déviation que subissent le jugement et la volonté









sur le terrain où le sujet est passionnellement entraîné. Les démences, démence précoce de Kra.’pelin, démence paralytique, démence sénile, qui peuvent présenter les divers symptômes des états précédents, se distinguent par la i/ésorganisatinn de l’intelligence ; l’arriération se distingue enfin des démences parce que l’infériorité du niveau intellectuel est due à un arrêt du développement et non à une régression se manifestant par la présence de reliquats.

Dans un Avant-Propos, le Bilan cle la Psychologie en 1909, M. Binet indique quelle importance théorique auraient ces vues d’ensemble pour la psychologie pathologique elles conduiraient à reconstruire la psychologie en cherchant dans le sens