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le voulait Renouvier, tranchée par option pour le fini. Mais à propos de la seconde antinomie il se refuse à maintenir les termes dans lesquels Renouvier croyait devoir résoudre la deuxième antinomie. Substance étenduesubstance simple n’est pas un « véritable dilemme » dont il faudrait, sous peine de contradiction choisir un terme « le véritable dilemme… est celui-ci : Substance (ou matière) — Conscience (ou Personnalité) ». Cette substitution de termes résulte comme l’explique fort bien M. Pillon d’une grave divergence doctrinale avec Renouvier : « Ce qui est une inconséquence de sa philosophie idéaliste et finitiste, c’est qu’il ait localisé les unités conscientes ; c’est qu’il ait joint en elle la force (principe de mouvement) à la conscience, c’est qu’il en ait fait des points physiques, correspondant dans l’espace à des points mathématiques : c’est que l’étendue, comme rapport de situation de ces unités conscientes, lui ait paru réelle, plus réelle que l’étendue de l’atome, aussi réelle, aussi essentielle à la représentation que tous autres rapports, que le rapport de ressemblance et de différence, que le rapport de nombre, que le rapport de succession, que l’existence même des monades, avec le degré de conscience qui appartient à chacune d’elles ».

Henri Bois : Le finitisme de Dühring. — Dans une note fort claire qui semble être l’introduction à un travail plus complet. M. Bois attire l’attention sur les analogies de doctrine entre Dühring et Renouvier, analogies d’autant plus curieuses que les deux doctrines se sont développées indépendamment l’une de l’autre. Le point de départ est le même : l’embarras qu’éprouvaient il y a une soixantaine d’années les professeurs des mathématiques à poser avec netteté les principes du calcul infinitésimal. La conclusion théorique est la même : une réaction absolue contre le criticisme de Kant, mais le dogmatisme est beaucoup plus conscient chez Dühring que chez Renouvier, et à cet égard peut-être est-ce d’Evellin que Dühring se rapproche le plus. En terminant M. Bois rappelle quelques traits de la cosmologie et de l’optimisme de Dühring qui portent la marque d’une personnalité morale orientée tout autrement que celle de Renouvier.

G. Lechalas : M. Duhem et la théorie physique. — Les réflexions fort judicieuses, appuyées sur des faits et sur des textes, que suggère à M. Lechalas la théorie physique de M. Duhem, roulent autour de deux points qu’il semble important de retenir. M. Lechalas montre qu’on atténue la valeur des explications mécaniques, en les appliquant à des théories difficiles où précisément le mécanisme se dérobe, comme les théories de la gravitation. S’il est d’une bonne méthode de juger du complexe par le simple ; il faut prendre des explications mécanistes là où elles s’accompagnent facilement de confirmations expérimentales, et M. Lechalas analyse de ce point de vue les hypothèses mécanistes de l’acoustique. D’autre part, revenant sur les belles études que M. Duhem a consacrées à l’histoire de l’astronomie et de la physique, M. Lechalas estime qu’elles ne conduisent pas nécessairement à une conclusion pragmatiste ; la théorie établit entre les phénomènes un ordre, une classification ; cet ordre, cette classification, M. Duhem reconnaît que le physicien tend, invinciblement, presque malgré lui, à y voir une classification « naturelle », une manifestation d’un certain ordre « suréminent ». M. Lechalas indique quel parti l’interprétation réaliste de la physique peut tirer d’une semblable concession.

Lionel Dauriac : Questions préliminaires. I. L’objet de la philosophie. II. Le commencement de la philosophie. — Partant d’un mot de M. Darlu : la philosophie est une manière de voir les choses, M. Dauriac se propose de montrer tout d’abord que la philosophie, si elle existe, peut être autre chose que « la démonstration d’un idéalisme rationaliste ». Elle est la science de l’univers, et par suite, elle procède de l’idée adéquate de l’univers à l’analyse et à l’enchaînement des catégories ou des Éléments principaux de la représentation qui permettent seuls d’établir « la réalité des lois universelles de l’être et du connaître ». La première vérité de la philosophie sera donc l’affirmation de l’expérience universelle, mais cette vérité sera une vérité frontière : « du côté du sens commun, pays que l’on quitte, on lira : Expérience universelle, du côté de la philosophie, pays où l’on entre, on lira : Apparence universelle » C’est que, pour le sens commun, la vérité consiste dans le fait. La philosophie a la tâche du contrôle et de la critique ; elle soumet l’affirmation à l’épreuve de la démonstration qui porte non plus sur le fait mais sur le nécessaire : par là même elle l’expose au doute. En termes plus techniques, elle défend aux jugements assertoriques de se transformer en apodictiques et par là même elle risque de les reléguer dans le plan des jugements problématiques. Quiconque s’effraie du risque et recule