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métaphysique, matérialiste ou non, dont la valeur, comme celle de toutes les métaphysiques, reste affaire de croyance subjective.

L’ancienne et la nouvelle foi, par D. F. Strauss, traduit de l’allemand sur la 8° édition par Ernest Lesigne. 1 vol. in-16° de 333 p., Paris, Schleicher frères. — Réédition populaire d’une traduction excellente. Belle préface de Littré. L’Avant-Propos du traducteur nous rappelle qu’il fut un temps où l’entreprise de faire connaître en France les livres de Strauss n’allait pas sans quelque danger.

The Influence of Darwin on Philosophy, and other essays in contemporary thought, by John Dewey, Professor of Philosophy in Columbia University. 1 vol. in-8 de vi-304 p., New-York, Henry Holt, 1910, — C’est encore un recueil d’articles que cette nouvelle production de la littérature pragmatiste ; et non pas d’articles portant manifestement sur le même sujet, comme ceux que W. James a réunis dans The meaning of Truth, ni d’essais reliés entre eux par de multiples renvois, comme les Studies in Humanism de Schiller. Entre ces onze études, publiées de 1897 à 1909 dans différentes revues et reproduites ici à peu près dans l’ordre inverse de leur apparition, l’unité existe assurément, mais elle n’est point apparente : M. Dewey ne se soucie guère de marquer par des signes extérieurs la place de chacune d’elles par rapport à l’ensemble de sa pensée, non plus que la place de cette pensée même par rapport aux théories contemporaines : il est avare de références, au grand regret du lecteur étranger. Aucun sacrifice n’est fait à la commodité. Dès la Préface se manifeste un superbe dédain à l’égard des formules. « Les essais de ce volume, écrit l’auteur, appartiennent, je suppose, à ce qui est maintenant connu comme la phase pragmatique du nouveau mouvement. » Or, le pragmatisme ne se laisse pas ranger dans les tiroirs d’un bureau : le mieux est de « l’envisager d’une manière tout à fait vague (quite vaguely) comme une partie et un fragment d’un mouvement général de reconstruction intellectuelle ».

Le caractère et la nécessité de ce mouvement, M. Dewey à maintes reprises s’efforce de le faire saisir, grâce à de vastes et rapides considérations sur l’histoire de la pensée. La philosophie doit subir une véritable refonte si elle veut s’adapter aux tendances sociales et intellectuelles qui caractérisent « l’âge de Darwin, Helmholtz, Pasteur, Ibsen, Mæterlinck et Henri James ». Il faut se détourner de l’universel, de l’immuable et du spéculatif pour l’individuel, le changeant et l’efficace ; le philosophe a pour mission de découvrir des valeurs soi-disant éternelles, mais de caractériser les valeurs particulières considérées dans leur genèse concrète. Tout concourt à pousser la philosophie dans cette direction si elle veut vivre : l’importance croissante accordée à l’action individuelle dans nos sociétés démocratiques aussi bien que la diffusion de la méthode évolutionniste à travers toutes les sciences. Cette transformation doit s’opérer dans la théorie de la morale comme dans la théorie de la connaissance. Au lieu de discuter sur le Bien en Soi et sur le motif moral, le philosophe devra discerner les changements spécifiques qui peuvent amener dans nos sociétés une augmentation effective de justice et de bonheur. Au lieu de se demander comment la connaissance est possible, il devra décrire le fonctionnement concret de la connaissance. Au sujet des problèmes moraux, M. Dewey se contente ici d’indications générales (essay 2 : Nature and its Good, essay 3 : Intelligence and Morals). Son analyse de la connaissance est poussée beaucoup plus loin (essays 4, 5, 6 : cf. essays 7, 8, 9, 10, 11). Il dégage franchement le postulat de sa méthode : identité des deux termes réalité et expérience : « things are what they are experienced as » (p. 227). Seulement l’expérience dont il s’agit ne se réduit point à une suite d’états de conscience purement subjectifs : l’opposition traditionnelle de la réalité objective et de notre expérience subjective est une de ces fictions philosophiques auxquelles il faut renoncer. Prise










e dans toute son ampleur, l’expérience n’a 3. nul besoin d’être complétée par une autre r, sorte d’existence. La connaissance n’est st elle-même qu’un mode particulier de l’expérience. M. Dewey s’applique à définir le ce mode en le distinguant des modes is voisins et en le suivant dans son dévele loppement propre. On ne peut descendre it ici dans le détail de ces discussions et de ie ces analyses, souvent remarquables par al leur subtilité. Notons seulement que M. Dewey considère la pensée comme u— une’activité spéciale, quoique non indé3S pendante, et même comme la forme la le plus haute de l’activité. Nul ne serait plus s— mal caractérisé que ce pragmatiste par , i t l’épithète d’an ti— in tellectualiste. ut A mesure que l’on se familiarise avec

1— cet écrivain, dont la forme un peu abrupte

ie d’abord déconcerte, on découvre à sa e— pensée une vigueur qui manque souvent se à des ouvrages plus aimables. C’est un .le vrai philosophe que nous avons ici, un