580, 683), M. Bernard C. Erder le « réalisme naturel » qui se refuse à poser des questions sur les causes dernières (IV, 630) ; Sellars (V, 235) expose dans un bel article la conception d’un réalisme idéaliste mais qui se place dans l’espace discontinu tandis que l’idéalisme se meut dans la continuité du temps. D’une façon assez générale, comme dit M. Bode, dans un article de critique (V, 150), ce réalisme, moins timide que celui d’autrefois, met les qualités secondes sur le même plan que les qualités premières ; panobjectiviste, il opère un dépouillement de la conscience qui devient quelque chose de diaphane, d’évanouissant. — On ne pourrait en dire autant du réalisme de l’école de Chicago ; pour M. Montagne (V, 209), la conscience est une forme de l’énergie ; pour M. Moore (IV, 272), il est un réalisme fonctionnel, dynamique, qui est lié très étroitement de pragmatisme : d’après lui, il y a une reconstruction constante de la réalité par elle-même grâce aux idées parties intégrantes du réel.
M. Boodin part lui aussi, dans une série d’articles subtils et compliqués (IV, 533 ; V, 169, 225, 365, 393), des données du réalisme, d’un réalisme non immédiatiste, pour lequel le monde est construit. La conscience est pour lui comme pour un grand nombre de réalités quelque chose de formel, a non-stuff dimension of reality ; plutôt qu’une énergie capable de plus ou de moins, elle est un milieu objectif et continu M. Boodin montre qu’il faut admettre malgré William James et son phénoménisme que l’expérience n’est pas son propre support, qu’il faut recourir à quelque chose de non expérimental pour expliquer la continuité dans le temps et dans l’espace, pour rendre compte de nos besoins et de nos volontés, de tout l’intérieur des choses. Il faut, dit-il, être jusqu’à un certain point moniste, admettre ce grand principe que le dissemblable agit sur le dissemblable ; mais c’est dire aussi qu’il faut admettre des centres discontinus et distinguer plutôt qu’unifier. Puisque nous parlons de métaphysique phénoméniste, disons que la métaphysique de Schiller, l’idée d’une ὕλη indéterminée a trouvé dans M. Gifford un critique pénétrant (V, 99). C’est une hypothèse invérifiable, et une hypothèse inutile, car l’indéterminé pur ne peut donner naissance au déterminé ; elle est doublement contraire à l’esprit pragmatique. — M. William James, dans un article intitulé The Absolute and the Strenuons Life (IV, 546), montrait que le monisme ne dicte aucune règle de conduite, et les sanctionne toutes, tandis que le monde est toujours vulnérable, mal établi pour les pluralistes ; en dernière analyse, le pluralisme est dur ; il demande la volonté de vivre sans garantie, le désir du risque. Son infériorité au point de vue pragmatiste, c’est qu’il n’a rien à dire aux âmes malades.
Le pragmatisme n’a pas été sans influence sur la psychologie on en trouverait sans peine la preuve dans le Journal. Tandis que Mary Whiton Calkins oppose à la psychologie des idées d’un Titchener, à la psychologie des fonctions d’un Stout, d’un Thorndike, l’étude du moi, possesseur des idées et des fonctions (IV, 673 ; I, 12, 64, 113) Tawney, qui se rattache à l’école de Chicago revendique les droits de la psychologie des fonctions et des valeurs (V, 459) ; au lieu de se fonder sur l’idée vague et inutile d’un moi, venue du sens commun, et transformée avec plus ou moins de justesse, la psychologie sera l’étude des contenus : de l’expérience en tant que possédant une valeur immédiate. Kirk Patrick expose une théorie fonctionnelle qui tiendrait compte de l’inconscient (IV. 542). M. Thomas P. Bailey donne l’exemple curieux de ce qu’il appelle l’étude structurale et fonctionnelle des attitudes mentales (V, 406). M. Percy Hughes appelle l’attention sur « la synthèse conceptuelle concrète » (IV, 623). M. Rowland Haynes essaie de faire comprendre ce que serait l’étude des bases physiologiques de la métaphysique, en établissant que le concept d’infini correspond à l’évanouissement de l’attention (IV, 601). M.A.-E. Davies tente de prouver que les empiristes modernes doivent, à la suite de Hume, opposer à la pensée pure des intellectualistes l’imagination (IV, 645). Il est vrai que, d’après Vinck, les images naissent de l’arrêt du courant mental dans l’âme du psychologue qui s’étudie, et qu’elles n’apparaissent pas en temps ordinaire. La reconnaissance, la perception d’un changement se font le plus souvent sans l’intervention des images trop lentes et trop complexes ; ce qu’on prend pour elles dans le cas de mouvement volontaire, c’est la représentation d’actions qui commencent. Cette théorie, assez semblable à celle que M. Woodworth avait exposée dans le Journal (III, 701) et qui se rapproche à la fois de l’analyse du sentiment et de l’effort dans les œuvres de William James, et de la distinction entre les deux mémoires dans le livre de M. Bergson, méritait d’être signalée.
Bref, désagrégation et recul, au moins apparents du pragmatisme. Beaucoup d’idées remuées, çà et là, des résultats.